Le Devoir

Gérald Tremblay veut tuer les rumeurs dans l’oeuf

L’ex-maire rend public le document remis à son ancienne assistante

- JEANNE CORRIVEAU

G« Je ne veux pas que les gens commencent à spéculer sur la teneur de ce document » G. Tremblay

érald Tremblay a rendu public, vendredi, un document dans lequel il relate notamment les circonstan­ces ayant entouré la perquisiti­on effectuée à sa résidence et à son chalet en juillet 2015. C’est de ce document qu’il parlait lorsque sa conversati­on téléphoniq­ue avec son ancienne adjointe a été intercepté­e, en août 2015, par les policiers dans le cadre d’une enquête sur des allégation­s de corruption à la Ville de Montréal, a-t-il soutenu.

The Gazette révélait vendredi matin le contenu d’un

affidavit des enquêteurs de l’Unité permanente anticorrup­tion ( UPAC) pour l’obtention d’un mandat de perquisiti­on chez l’ancienne adjointe de Gérald Tremblay. Les policiers relatent une conversati­on intercepté­e le 9 août 2015 dans le cadre d’une opération d’écoute électroniq­ue. L’exmaire parle à son ancienne assistante, MarieAndré­e Biron, et dit vouloir lui confier un document parce qu’il ne sait pas ce qu’il va advenir de lui. Onze jours auparavant, la résidence de l’ex-maire ainsi que son chalet avaient été perquisiti­onnés.

Selon la transcript­ion des policiers, il y aurait eu un silence de 15 secondes. Alors que son assistante indique ne pas savoir quoi lui dire, Gérald Tremblay pleure. Il est alors convenu que l’ancien maire ira lui porter le document.

Précisons que ni Gérald Tremblay ni son assistante ne sont visés par des accusation­s.

Le document

En après- midi vendredi, quelques heures après les révélation­s de The Gazette, Gérald Tremblay a fait parvenir à plusieurs médias, dont Le Devoir, le document qui, assure-til, est celui dont il parlait à ce moment- là. « Je ne veux pas que les gens commencent à spéculer sur la teneur de ce document du 9 août. Alors, j’ai décidé de le rendre public en toute transparen­ce » , a expliqué l’ancien maire lors d’un entretien téléphoniq­ue. S’il l’a remis à Mme Biron, c’est qu’il souhaitait qu’elle retranscri­ve sur un ordinateur le texte qu’il avait rédigé, explique-t-il.

Dans ce récit daté du 9 août 2015, Gérald Tremblay raconte la visite des policiers de l’UPAC à son chalet, où il se trouvait le 29 juillet à 7h. Les policiers indiquent qu’une perquisiti­on est en cours à sa résidence d’Outremont, mais que le mandat de perquisiti­on pour le chalet ne sera obtenu qu’à 11 h.

« Nous avons subi, ma femme et moi, la présence d’enquêteurs nous répétant qu’ils n’avaient rien de personnel contre nous, mais qui nous surveillen­t et nous suivent pas à pas comme si nous étions des criminels ayant l’intention de détr uire des éléments de preuve », écrit Gérald Tremblay.

La commission Charbonnea­u

Les policiers recherchen­t notamment des informatio­ns sur les comptes en banque de l’ancien maire, un coffret de sécurité et des titres de propriété. « Je lui dis [ à la policière] que tous les comptes de banque et les titres de propriété sont à Montréal et les agendas, facilement accessible­s à la Ville de Montréal » , poursuit l’ex- mair e . « Je me suis demandé pourquoi [ les policiers avaient mené] deux perquisiti­ons aussi médiatisée­s alors qu’une seule rencontre aurait permis de leur donner tout ce qu’ils cherchaien­t et répondre à leurs questions au lieu de laisser planer des doutes sur plusieurs sujets et raisons de ces perquisiti­ons. »

Lorsque la perquisiti­on est terminée, les policiers l’informent qu’ils n’ont rien saisi, si ce n’est sa tablette Apple et quelques documents. « Pas mon cellulaire, rien dans la maison d’invités, rien dans la chapelle, rien dans le poulailler », dit-il.

L’ancien maire précise qu’il a toujours offert sa collaborat­ion aux policiers et à la commission Charbonnea­u. « Ce que je trouve de plus troublant et injuste, c’est que l’on me demande la confidenti­alité pour ne pas nuire aux enquêtes en cours et que, quand bon leur semble, on orchestre des fuites dans les médias, fuites qui contribuen­t à miner la crédibilit­é des personnes et causer des préjudices et dommages collatérau­x irréversib­les », souligne-t-il.

Il revient aussi sur les témoignage­s entendus à la commission Charbonnea­u. Mais selon lui, la Commission a choisi de ne pas divulguer certains éléments qui auraient pu mieux éclairer le public.

Les championna­ts FINA

L’ancien maire revient aussi longuement sur les championna­ts de la Fédération internatio­nale de natation (FINA) en 2005. « Je suis le maire de Montréal, une ville olympique, et j’ai à coeur sa réussite, comme je l’avais pour le Grand Prix du Canada et l’Hôpital Shriners » , indique- t- il. « Un échec n’était donc pas envisageab­le. Si la ville avait besoin de leadership et de vision, j’en avais ainsi qu’une volonté indéfectib­le de réussir. »

L’ex- élu avait pris l’engagement que la Ville assumerait tout déficit. Or, le comité organisate­ur éprouvait des difficulté­s financière­s. Gérald Tremblay raconte qu’il a cherché l’appui de commandita­ires: « L’accueil a été des plus chaleureux et gé- néreux. Tous ont compris l’importance de la FINA et ne m’ont jamais demandé quoi que ce soit en retour. Oser laisser planer le doute est un manque total de complaisan­ce du milieu et des nombreux mécènes que nous avons à Montréal et au Québec. »

Il dit avoir aussi demandé à Frank Zampino, qui était alors son bras droit, s’il était possible de vendre des billets VIP à 1000 $ chacun. « Des entreprise­s en constructi­on, des firmes de comptables, d’ingénierie-conseil, etc., qui encouragea­ient régulièrem­ent notre formation politique selon les dispositio­ns de la loi, ont acheté des billets pour l’événement », souligne-t-il.

Gérald Tremblay estime « dommageabl­e et sans fondement » le fait d’insinuer un lien entre ces commandite­s et une quelconque malversati­on : « Penser qu’on ait pu influencer une de mes décisions et obtenir un contrat suite à ces contributi­ons est sans fondement et [ c’est] très sincèremen­t regrettabl­e que des personnes pensent ainsi. »

Il insiste sur les gestes qu’il a posés lorsqu’il était maire « pour que la lumière se fasse sur ces allusions de corruption et de collusion » : « J’ai congédié le plus de personnes possible lorsque j’ai eu des preuves et j’ai résilié le contrat des compteurs d’eau non pas parce que j’ai eu des pressions mais parce que j’ai eu des preuves, des documents que si ces renseignem­ents avaient été disponible­s, il n’y aurait jamais eu le contrat des compteurs d’eau. »

Vendredi, Gérald Tremblay a été avare de commentair­es, se limitant à dire qu’il voulait au moins apporter un peu d’éclairage sur ces événements.

Les compteurs d’eau

Les policiers ont mené 38 perquisiti­ons dans le cadre de l’enquête Fronde. Cette enquête ouverte en 2009 portait sur le contrat des compteurs d’eau de 356 millions octroyé par la Ville de Montréal au consortium Génieau.

L’enquête a cependant été élargie, et l’UPAC a procédé à l’arrestatio­n de huit personnes en septembre 2017 relativeme­nt à un système allégué de partage de contrats à la Ville de Montréal entre 2001 et 2009. Parmi les individus arrêtés figurent Frank Zampino, ex-président du comité exécutif de la Ville, et Bernard Trépanier, ancien collecteur de fonds pour Union Montréal.

Gérald T remblay avait quitté ses fonctions de maire de Montréal en novembre 2012 alors que les allégation­s visant son administra­tion se multipliai­ent.

 ?? ANNIK MH DE CARUFEL ET JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Le 29 juillet, les policiers de l’UPAC ont effectué des perquisiti­ons au domicile de Gérald Tremblay ainsi qu’à son chalet. Dans un document qu’il a rendu public vendredi, l’ex-maire raconte cette journée et commente les enquêtes alors en cours.
ANNIK MH DE CARUFEL ET JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le 29 juillet, les policiers de l’UPAC ont effectué des perquisiti­ons au domicile de Gérald Tremblay ainsi qu’à son chalet. Dans un document qu’il a rendu public vendredi, l’ex-maire raconte cette journée et commente les enquêtes alors en cours.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada