Le Devoir

Faire sa place au... panier

Une joueuse des Harlem Globetrott­ers invite les jeunes filles à croire en elles

- KARL RETTINO- PARAZELLI

Les Harlem Globetrott­ers ont toujours contribué à défoncer certaines barrières sociales. À la veille du passage de l’équipe de basketball au Québec, une de ses rares joueuses a fait irruption il y a quelques jours dans une école de Montréal pour montrer aux jeunes filles que tout est possible, sur le ter rain comme en dehors. Le Devoir y était.

Regroupés dans le gymnase de l’école primaire Westmount Park, quelque 200 élèves attendent avec fébrilité l’arrivée de l’invitée du jour. Au bout de quelques minutes, leur patience est récompensé­e: Briana Green, alias « Hoops », fait son entrée vêtue de son flamboyant

uniforme rouge, blanc et bleu. Et avant de montrer aux élèves les spectacula­ires dribbles qui font sa renommée, elle attire l’attention de son auditoire avec une question.

« Qui a déjà vu les Harlem Globetrott­ers ? » lance- t- elle. « Et qui savait qu’il y a des filles dans les Harlem Globetrott­ers ? » En guise de réponse, seulement une poignée de mains se lèvent.

La jeune femme de 26 ans, originaire du Kentucky, n’est que la 15e joueuse de l’histoire des Harlem Globetrott­ers, qui ont vu le jour en 1926. À sa deuxième saison avec l’équipe, elle profite de visites comme celle-ci et de ses performanc­es sur le terrain pour inspirer les jeunes, et particuliè­rement les jeunes filles qu’elle rencontre.

« J’essaie d’encourager les filles en leur disant qu’on peut faire tout ce que les garçons peuvent faire. Nous sommes capables d’y arriver si on investit les heures nécessaire­s et qu’on a la passion en nous. J’essaie d’être un modèle positif pour les filles, mais aussi pour les femmes en général » , explique celle qui a évolué dans des ligues profession­nelles en République tchèque, en Espagne et au Mexique avant de mériter sa place au sein de la formation étoile.

« Si vous êtes passionnée à propos de quelque chose, allez- y, que ce soit de jouer au basketball, de devenir une docteure, une avocate, une présidente, peu impor te ! » lance-t-elle.

Place aux femmes

La longue histoire des Harlem Globetrott­ers ne peut être dissociée de certains changement­s sociaux qui ont marqué le XXe siècle. D’abord créée pour montrer le talent des joueurs noirs à l’époque où les portes des ligues profession­nelles leur étaient fermées, l’équipe a notamment servi de tremplin à Nathaniel « Sweetwater » Clifton, le tout premier joueur afro-américain ayant signé un contrat dans la National Basketball Associatio­n (NBA), en 1950.

Ce fut ensuite au tour des femmes d’obtenir graduellem­ent leur place au sein de l’équipe. En 1985, la capitaine de l’équipe olympique américaine de l’époque, L ynette Woodward, est devenue la première joueuse à revêtir l’uniforme tricolore, ouvrant la voie à celles qui l’ont suivie.

Aujour d’hui, 4 des 32 joueurs des Harlem Globetrott­ers, dont « Hoops » , sont des femmes. La preuve qu’au basketball comme dans de nombreux sports profession­nels, les athlètes féminines s’imposent graduellem­ent, mais ne brillent pas encore autant que leurs coéquipier­s masculins.

Moins de joueuses

Au Québec, le basketball n’a pas la popularité du hockey ou du soccer, mais Basketball Québec dénombre malgré tout 43 000 adeptes de tous les âges. Les plus récentes données datant de la saison 20152016 indiquent toutefois qu’à peine le tiers des joueurs sont des femmes, alors qu’il y a quatre ou cinq ans, la proportion d’hommes et de femmes était comparable, constate le directeur général de l’organisme, Daniel Grimard.

« L’offre de service est plus large pour les filles qui veulent faire de l’activité physique » , dit-il pour expliquer le récent déclin.

Basketball Québec tente de changer les choses, affirme-t-il. L’organisme s’efforce d’améliorer l’encadremen­t des joueuses, de permettre à des équipes féminines de voir le jour là où des équipes masculines existent déjà et de créer d’autres équipes féminines dans les municipali­tés où le basketball n’a pas encore pris racine.

Secret bien gardé

Le basketball féminin québécois se développe tranquille­ment, mais « à petits pas », observe également Olga Hrycak, l’ancienne entraîneus­e- chef des Citadins de l’UQAM, qui a été la première femme en Amérique du Nord à diriger une équipe masculine de basketball universita­ire.

« Ça commence, mais c’est lent. Et disons qu’à Montréal, le basket féminin est très peu développé. Au niveau secondaire, il n’y a pas beaucoup d’entraîneus­es et les jeunes filles ont tellement autre chose à faire, dit-elle. Le basket n’est pas vraiment connu chez les filles. C’est malheureux. »

« Il manque d’encadremen­t, il manque de modèles. Nos joueuses qui ont eu du succès aux États-Unis ou à l’étranger, c’est le secret le mieux gardé à Montréal », ajoute-t-elle en évoquant par exemple la Montréalai­se Lizanne Murphy, qui vient de prendre sa retraite de l’équipe nationale féminine. Elle aurait aussi pu mentionner Julie Brosseau, de Repentigny, qui vient de prendre part au « March Madness », la compétitio­n ultime du basketball universita­ire américain, avec les Black Bears de l’Université du Maine.

Briana Green, elle, n’est pas Québécoise, mais elle espère que sa présence devant les élèves de Westmount Park permettra aux jeunes filles présentes de croire en leurs moyens et de prendre la place qui leur revient.

Avant de laisser les élèves retourner en classe, la joueuse étoile des Harlem Globetrott­ers répond à quelques questions. Une jeune fille assise à l’avant lui demande candidemen­t si son équipe a déjà gagné un match grâce à elle. « Je fais partie d’une équipe, lui répond Hoops en souriant. Mais j’y ai contribué. »

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CATHERINE LEGAULT LE DEVOIR Briana Green, des Harlem Globetrott­ers, se fait un devoir de présenter un modèle positif aux filles qu’elle rencontre.

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