Le Devoir

Les jeunes obèses plus prédisposé­s aux cancers

L’épidémie d’obésité favorisera­it l’apparition de cancers chez des patients de plus en plus jeunes

- ISABELLE PARÉ

La

flambée d’obésité et de surpoids qui touche les jeunes adultes américains fait gonfler l’incidence de certains cancers aux États-Unis et fait glisser à un âge de plus en plus précoce la découverte de tumeurs malignes liées au surplus de poids.

Les liens entre l’obésité et le risque accr u de souf frir de 13types de cancers ont déjà été établis en 2016 par l’Agence internatio­nale de la recherche sur le cancer. Mais une récente étude jette un éclairage sur un phénomène nouveau : celui de diagnostic­s précoces chez les jeunes adultes obèses, et les effets persistant­s de leur prise de poids sur la probabilit­é de souf frir d’un cancer plus tard dans la vie.

« On obser ve que l’incidence de l’obésité chez les jeunes suit celle de cer tains cancers, qui apparaisse­nt à un âge beaucoup plus précoce », affirme le Dr Nathan Berger, professeur à la Faculté de médecine de la Case Western University, joint par Le Devoir. Le chercheur est l’auteur principal de l’étude récemment publiée dans Obesity, financé par les National Health Institutes ( NIH) des ÉtatsUnis.

Cette méta- analyse de plus de 100 études réalisée à travers le monde démontre que plusieurs cancers associés aux personnes de plus de 50 ans sont maintenant signalés chez des adultes dans la trentaine et la quarantain­e.

En 2016, 10 % des cancers du sein aux États- Unis ( et au Canada) ont frappé des patientes de moins de 50 ans et le quart des cancers de la thyroïde ont touché des patients de 20 à 44 ans, signale- t- on. Une étude dévoilée en février par la Société américaine du cancer a aussi rapporté une augmentati­on rapide de diagnostic­s de cancers colorectau­x chez des adultes aussi jeunes que 20 ans ou 30 ans.

« La plus forte augmentati­on chez les jeunes adultes est ob- ser vée pour les cancers du sein, du côlon, de la thyroïde et des ovaires » , dit le professeur Berger.

Aux États-Unis, les taux de cancer du côlon chez les 20 à 39 ans ont doublé et sont en hausse de 1 à 2,4 % par année depuis 30 ans. Les cas de cancer du rectum ont quadruplé chez les jeunes.

« Non seulement les risques de souf frir de ces cancers sont plus élevés, mais les pro- nostics de ces patients sont souvent plus graves, car ils sont diagnostiq­ués à un stade plus avancé étant donné qu’ils ne répondent pas au profil type des patients dépistés pour de telles tumeurs » , précise-t-il.

Effets permanents

Autre obser vation : plusieurs études démontrent non seulement que les jeunes obèses, présentant un indice de masse corporelle supérieur à 30 (IMC), courent un risque accru de développer des tumeurs malignes, mais que ce risque persiste même après la perte de poids. L’embonpoint vécu tôt dans la vie entraînera­it des modificati­ons épigénétiq­ues et métaboliqu­es persistant­es, malgré le retour à un poids plus normal.

« Si vous avez fumé au cours de votre vie, vos risques [d’avoir un cancer] demeurent élevés même si vous avez cessé. C’est un peu la même chose pour l’obésité, des dommages persistent et des risques demeurent plus élevés pour certains types de cancers, même s’ils diminuent un peu », affirme le chercheur.

Les thèses actuelles postulent qu’un surplus de poids important favorise notamment l’inflammati­on chronique, la résistance à l’insuline, perturbe l’équilibre du microbiote intestinal et stimule la production d’hormones sexuelles dans les tissus adipeux, autant de facteurs favorables au développem­ent de cellules cancéreuse­s et précancére­uses.

« C’est la plus grande préoccupat­ion à l’heure actuelle. Comment prévoir les impacts de la pandémie d’obésité actuelle ? Cela peut prendre une ou deux décennies avant que les cancers se développen­t. On craint, dans les années à venir, que cela se répercute sur l’incidence de cancers chez des adultes de plus en plus jeunes » , explique le Dr Berger.

À son avis, il est non seulement urgent de changer les habitudes de vie pour prévenir l’obésité, mais aussi de sensibilis­er les médecins aux nouveaux risques auxquels font face leurs jeunes patients obèses. « Cela suppose que leurs médecins doivent sur veiller cela de plus près, par certains dépistages précoces », dit-il.

Les études sont encore trop récentes pour revoir les directives en matière de dépistage systématiq­ue, notamment pour les cancers du côlon et du sein, destiné aux patients de plus de 50 ans.

On doit plutôt encourager le développem­ent de méthodes de dépistage non invasives, comme de simples prises de sang, pour détecter les cancers, estime le chercheur, et inclure l’indice de masse corporelle aux banques de données et aux registres sur le cancer.

 ?? JOHN MOORE GETTY IMAGES ?? Une jeune fille lit ses répliques d’une saynète présentée dans le cadre du programme Shapedown, en novembre 2010 à Aurora, au Colorado, destiné aux enfants et adolescent­s obèses.
JOHN MOORE GETTY IMAGES Une jeune fille lit ses répliques d’une saynète présentée dans le cadre du programme Shapedown, en novembre 2010 à Aurora, au Colorado, destiné aux enfants et adolescent­s obèses.

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