Le Devoir

Le Québec est le plus menacé par le protection­nisme américain après l’Ontario

- ÉRIC DESROSIERS

L’économie québécoise est l’une des plus exposées à la montée du protection­nisme américain, bien que les éventuels impacts de ce dernier soient probableme­nt moins lourds qu’on pourrait le croire, estime une analyse de la Banque Nationale.

Un peu moins de 6% (5,8 %) de l’économie canadienne est exposée aux menaces de révocation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), de tarifs commerciau­x et d’autres mesures protection­nistes brandies par le gouverneme­nt américain, conclut une analyse de la Banque Nationale dévoilée cette semaine. C’est beaucoup moins que le poids total au Canada des biens exportés vers les États- Unis dans le produit intérieur brut (PIB), qui est de 20 %, et même que le poids des biens exportés seulement par les industries à risque (11,6 %).

Cette différence s’explique par le fait que seulement une partie de la valeur des exportatio­ns de ces industries à risque a effectivem­ent été produite au Canada, le reste venant d’intrants eux-mêmes importés de pays étrangers, expliquent les auteurs de l’analyse, Marc Pinsonneau­lt et Jocelyn Paquet. « Fait à noter, une exposition de 5,8 % ne signifie pas que, dans le pire des cas, le PIB nominal du Canada serait réduit de 5,8 % » , écrivent- ils, soulignant que cela serait alarmant. « Cela signifie plutôt que, si les États-Unis décidaient d’imposer des mesures protection­nistes à toutes les industries mentionnée­s dans le présent rapport — un scénario hautement improbable —, seulement une portion de ces 5,8 % serait alors en jeu. »

Le Québec sur la sellette

Le Québec apparaît comme le plus à risque au Canada après l’Ontario, avec 6,8 % de son économie menacée par le protection­nisme américain, comparativ­ement à 8 % pour sa grande voisine et 6,4 % au Manitoba, mais seulement 3,3 % en Alberta et 3,2 % en Colombie-Britanniqu­e. Cet écart tient notamment à la forte concentrat­ion et à la diversité des industries manufactur­ières au Québec et en Ontario, expliquent les auteurs de l’analyse.

Pour arriver à ces totaux, ceux-ci ont établi trois groupes d’industries à risque. Le premier groupe est celui des industries qui ont été directemen­t visées par la rhétorique protection­niste américaine, comme le bois d’oeuvre, l’aéronautiq­ue, l’automobile (qui touche les pneus et le plastique au Québec) ou encore l’acier et l’aluminium, et dont le poids s’élève à 3,6 % du PIB canadien et 4,3 % de celui du Québec. Le deuxième groupe est celui d’autres industries qui feraient face à des tarifs douaniers élevés si elles devaient passer du régime de l’ALENA aux règles générales de l’Organisati­on mondiale du commerce ( OMC), comme le vêtement et la fabricatio­n alimentair­e, dont le poids équivaut à 0,5 % des économies canadienne et québécoise. Enfin, le troisième groupe est constitué d’autres industries encore dont les exportatio­ns aux États- Unis représente­nt au moins 25 % des ventes, comme les métaux de première transforma­tion et les machines, qui mettent à risque 1,7 % du PIB canadien et 2% de celui du Québec.

La proportion de travailleu­rs menacés est du

même ordre, rapporte la Banque Nationale. Au Québec, elle s’élève à 5,6 % de l’ensemble des emplois, contre 7,3 % en Ontario et une moyenne canadienne de 5,3 %.

Les auteurs de l’analyse se penchent aussi brièvement sur le cas particulie­r du système de gestion de l’offre dans les industries agricoles du lait, de la volaille et des oeufs. Bien qu’essentiell­ement tournés vers le marché intérieur, leurs producteur­s font face à de fortes pressions de la part des États-Unis, qui réclament un meilleur accès au marché canadien protégé par un système de quotas. Ces exigences pourraient venir grandement perturber un secteur qui représente 0,8 % de l’économie québécoise, contre seulement 0,5 % au Canada et 0,4 % en Ontario.

15 715 emplois

Estimant l’économie de son pays lésée par le fonctionne­ment du commerce internatio­nal, le président américain, Donald Trump, a déjà ouver t plusieurs fronts, notamment contre l’ALENA, les avions du fabricant québécois Bombardier, l’acier et l’aluminium du monde entier ainsi que les politiques commercial­es chinoises.

Bien qu’empruntant une méthodolog­ie différente, l’analyse de la Banque Nationale arrive à une conclusion similaire aux autres études faites récemment sur le sujet. Dans son dernier budget, le gouverneme­nt du Québec a, par exemple, estimé cette semaine que la mort de l’ALENA réduirait le PIB québécois de 0,5 % et amènerait la perte de 15 715 emplois.

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Parmi les industries à risque, on trouve celles directemen­t visées par la rhétorique protection­niste américaine, comme le bois d’oeuvre.

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