La social-démocratie comme solution la plus sûre
Malgré la bonne tenue de l’économie québécoise, le taux de croissance de notre produit intérieur brut est aujourd’hui insuffisant pour permettre à l’État d’honorer de manière satisfaisante les hausses systémiques de nos dépenses publiques. Les trois piliers que sont la santé, l’éducation et les services sociaux sont soit plombés par un sous-financement délétère, soit de plus en plus onéreux pour nos moyens collectifs limités. Il nous faut une stratégie gagnante, et vite.
La littérature sur le sujet, notamment les travaux marquants du sociologue Gosta EspingAnderson, nous permet de réfléchir aux options qui s’offrent à nous. En gros, nous devons répondre à trois questions : Qui doit payer pour nos services publics ? Qui doit fournir ces services ? Qui peut bénéficier de l’aide de l’État ? Au regard des succès et échecs de pays comparables au nôtre, il semble évident que seul un régime où la taxation et l’impôt financent les activités, où l’État supervise la fourniture de services et où ces ser vices sont universels peut nous permettre de maximiser le bien- être de tous. La social-démocratie est en effet la solution la plus sûre.
Différents modèles de financement sont utilisés à travers le monde. Certains États privilégient l’imposition des revenus du travail et la taxation de la consommation pour garnir une assiette fiscale. D’autres misent davantage sur la tarification pour financer, du moins en partie, un bouquet de services donnés. Finalement, il y a des cas de figure où l’État laisse le marché déterminer en totalité ou en partie la quantité et la qualité des services offerts. Il me semble évident que l’imposition des revenus et la taxation sont l’option la plus logique, du moins pour les services publics qu’on veut s’offrir. En effet, cela assure une participation fiscale large en fonction des moyens de chacun. De plus, cela évite d’exclure ou de limiter l’accès aux services aux plus démunis, principaux bénéficiaires à court terme d’un État-providence performant. Certains diront que trop de Québécois ne paient pas ou pas assez d’impôts pour participer à cet effort. Peutêtre. Mais il s’agit alors d’ajuster les leviers fiscaux disponibles en conséquence.
Compétition entre fournisseurs
Il est incontestable que la compétition entre les fournisseurs de services améliore l’efficacité d’un système. Mais cette compétition peut se vivre hors d’un marché concurrentiel classique. Il est tout à fait possible d’offrir une plus grande indépendance aux acteurs locaux (écoles, hôpitaux, CPE, etc.) en s’assurant d’une reddition de comptes et d’une responsabilité robuste. De plus, l’État (ou des associations à but non lucratif) a un avantage indéniable sur les entreprises : il n’a pas besoin de générer un profit. Il peut donc offrir des services de qualité équivalente ou supérieure à coûts moindres puisque la marge bénéficiaire de l’entreprise n’a pas à être intégrée à la structure de coûts. Pourquoi payer ces 5% ou 10 % de plus ?
Un ser vice public disponible à tous et au même prix a plusieurs avantages. Premièrement, la gestion des activités y est beaucoup plus simple. L’information y circule mieux et il devient inutile de mettre en place des structures visant à contrôler l’accès. Mais on oublie trop souvent un autre avantage tout aussi important. En effet, un service universel est beaucoup plus légitime pour les citoyens, surtout pour les contribuables plus aisés qui ont alors le sentiment que leurs impôts et taxes servent aussi à améliorer leur propre sort. Un service pour tous a donc plus de chances d’être valorisé dans la sphère publique et conséquemment d’être financé de manière adéquate par des gouvernements désireux de plaire à un large électorat.
Cela ne veut pas dire que la social-démocratie est une solution magique. Le fantasme scandinave d’une partie de la gauche québécoise mérite d’être tempéré, notamment par une étude plus critique des performances de ces pays trop souvent idéalisés. Les défis organisationnels et logistiques d’un régime social- démocrate sont importants. Il faut donc une fonction publique de grande qualité — peut- être moins nombreuse mais mieux rémunérée — pour s’assurer que la machine ne déraille pas. Mais il demeure que ce modèle est la solution la plus sûre pour garantir la sauvegarde de notre État-providence.