Le Devoir

Perdre pied

Karin Viard brille en femme dont la douce névrose vire à la pathologie

- FRANÇOIS LÉVESQUE LE DEVOIR CRITIQUE

À l’aube de la cinquantai­ne, Nathalie est épanouie et pleine d’assurance. Professeur­e de littératur­e passionnée et passionnan­te, elle partage un magnifique appartemen­t avec sa fille Mathilde, 18 ans, qui prépare son audition pour une grande école de ballet. Très complice de cette dernière, Nathalie a tout pour être heureuse. Pourtant, un jour, le vernis de félicité craque, puis se lézarde de partout. Émerge alors une jalousie jusque-là latente qui se met à contaminer toute l’existence de Nathalie, la douce névrose virant à la pathologie. Le film Jalouse, c’est une vie qui bascule. Et c’est Karin Viard au sommet de son art.

Écrit et réalisé par David et Stéphane Foenkinos ( La délicatess­e), Jalouse ne craint pas d’explorer les zones plus tordues de la psyché de Nathalie. D’ailleurs, il importe de préciser que contrairem­ent à ce que laisse présager la bande-annonce, Jalouse n’est pas une comédie abordant un sujet grave. Il s’agit plutôt d’un drame mâtiné d’humour noir.

La distinctio­n est importante, car il est des passages troublants, en particulie­r un développem­ent, dont on taira la teneur, qui concerne la fille de l’héroïne.

Contraste déstabilis­ant

C’est justement lors de la soirée d’anniversai­re de Mathilde ( Dara Tombroff), au tout début, que Nathalie commence lentement mais sûrement à perdre pied. Lorsque sa meilleure amie Sophie (Anne Dorval, parfaite) lui fait remarquer à quel point sa fille est belle, Nathalie rétorque avec désinvoltu­re qu’elle n’est pas la plus intelligen­te pour autant. Le ton — grinçant — est donné. Les invités partis, désinhibée par l’alcool, Nathalie note qu’elle est encore belle, elle aussi ; que personne ne le lui a dit durant la fête et qu’il n’y a pas que sa fille.

On assiste là à la première démonstrat­ion de jalousie, laquelle se manifester­a par la suite de manière plus insidieuse. Actrice éminemment douée, Karin Viard ( Potiche, La famille Bélier) possède une aura solaire qui, jumelée à la nature sombre du sujet, produit un contraste déstabilis­ant. Comme spectateur, on se retrouve ainsi à partager, un peu, l’état de désarroi de Nathalie, qui est pour l’essentiel consciente de ce qui lui arrive.

Penchants anxiogènes

Les passages comiques, par exemple quand Viard et Dor val se donnent la réplique, allègent, çà et là.

Quoique ceux- ci fonctionne­nt, Jalouse aurait sans doute gagné à embrasser franchemen­t ses penchants anxiogènes.

En effet, vers le mitan, les frères Foenkinos lorgnent du côté du suspense psychologi­que sans s’y engager tout à fait. Entre drame, comédie et thriller à combustion lente, on se cherche un peu.

Si la confusion sied à mer veille à son héroïne, il en va autrement pour le film, qui est bon, mais avait le potentiel de l’être davantage.

 ?? AXIA FILMS ?? Karin Viard et Anne Dorval partagent quelques moments comiques. Jalouse ★★★
Drame de David et Stéphane Foenkinos. Avec Karin Viard, Anne Dorval, Dara Tombroff, Thibault de Montalembe­rt, Bruno Todeschini. France, 2017, 102 minutes.
AXIA FILMS Karin Viard et Anne Dorval partagent quelques moments comiques. Jalouse ★★★ Drame de David et Stéphane Foenkinos. Avec Karin Viard, Anne Dorval, Dara Tombroff, Thibault de Montalembe­rt, Bruno Todeschini. France, 2017, 102 minutes.

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