Le Devoir

Le disque-bilan d’une workaholic « revenue à sa vie »

Martine Groulx, alias Camaromanc­e, est de retour sans fard avec un opus franc et transparen­t

- PHILIPPE PAPINEAU LE DEVOIR

Après s’être donnée tout entière depuis deux décennies à l’industrie de la musique — en plus de mener son étiquette de disques, la très mal nommée Lazy at Work —, Martine Groulx a réalisé il y a deux ans qu’elle s’était un peu, beaucoup oubliée dans ce parcours. Et c’est à travers le quatrième et plus récent disque de son projet musical Camaromanc­e qu’elle se retrouve aujourd’hui.

Le nom de Martine Groulx reste inconnu du grand public, mais parlez d’elle dans n’importe quel lancement ou festival montréalai­s, soit on vous en dira du bien, soit on vous la montrera du doigt. Ce petit bout de femme toujours souriante est active dans le monde de la musique alternativ­e depuis des lunes, elle qui s’est occupée entre autres de centaines de groupes émergents à travers la défunte SOPREF ( Société pour la promotion de la relève musicale de l’espace francophon­e).

« Je suis une vraie workaholic, lance- t- elle. Pas comme les gens qui sont dans le jus. Je ne suis pas dans le jus, au contraire, je vais trouver le temps de tout faire. Même si j’ai 4000 contrats et plein d’affaires en chantier, si quelqu’un a besoin de moi pour garder ou pour déménager, je suis là. »

Donner et toujours donner, quoi. Et en 2016, Groulx a eu une certaine épiphanie, une pré- crise de la quarantain­e — âge qu’elle a aujourd’hui — qui lui a fait réaliser qu’elle ne savait plus trop qui elle était à travers tout ça. « J’ai eu besoin de me ressourcer pour me

rappeler que j’avais une personnali­té en dehors de mon travail. C’était le temps de revenir à ma vie. »

Thérapie musicale

Martine Groulx est donc partie deux mois en Nouvelle-Zélande en plus de se poser un mois dans le studio du musicien Alex McMahon, prêté au cas où des musiques se pointeraie­nt le bout du nez.

C’est que Groulx n’est pas qu’une gestionnai­re de la musique, mais aussi une auteure-compositri­ce-interprète. Déjà en 2004 naissait le projet folk atmosphéri­que Camaromanc­e avec un premier disque, Empty Picture Frames, qui a été suivi en 2006 par Different Path et en 2010 par The Parade. Et depuis, plus rien.

Et là, la guitariste avait de la place dans sa vie pour la musique. « Chanter, c’est une des rares choses que je fais qui est dans le moment présent. Il faut que tu te concentres, que tu respires, tout est dans le calme, surtout dans mon genre musical, mettons! »

L’heure des bilans

Paraît donc vendredi Chasing Clouds, disque largement fabriqué avec Pierre Fortin et Olivier Langevin, du groupe Galaxie, que gère d’ailleurs Martine Groulx. La chanteuse évoque sur l’album le temps passé, les expérience­s vécues, mais pas avec nostalgie. C’est davantage l’heure des bilans, dit- elle.

« J’ai vécu beaucoup d’obstacles, comme tout le monde, et j’en sors grandie, dit Groulx. Et ça fait que je sais qui est impor tant, qui est loyal, qui est vraiment là pour moi. On le voit vraiment dans la maladie, le deuil, dans les moments de gros rush. »

Martine Groulx a aussi beaucoup réfléchi sur la réciprocit­é, sur le retour de balancier. « Souvent [dans les relations personnell­es], c’est moi qui donnais, et je m’entourais de gens qui étaient plus dans l’idée de recevoir. J’étais une maman à m’occuper de tout le monde, mais dans le fond, moi aussi j’ai besoin qu’on s’occupe de moi. J’ai aidé plein de gens à s’épanouir, et là c’est mon tour. Je trouve ça vraiment le fun. »

Même si chaque chanson de Chasing Clouds a un prénom comme titre, il ne faut pas toujours y voir des histoires amoureuses. Mais des fois oui. C’est que la Martine nouvelle a plus de temps pour elle, donc plus de temps pour les êtres chers, et donc plus d’occasions pour les aléas du coeur? « Exactement ! T’as tout compris ! dit-elle en riant. Oui, j’ai eu des histoires amoureuses parce que j’ai eu du temps, alors que dans les dix dernières années, j’étais mariée à mon travail. »

Coup de poing

Dans tous ces bilans, et toutes ces chansons à prénom, il y a un titre qui ressort du lot. Parce qu’il est le seul en français, et aussi parce qu’il s’intitule Martine. Écrite par son ami Francis Faubert, la chanson est aussi vraie que dure. « Y’a personne anyway / Personne qui m’donne le goût de me l’ver. / L’alarme sonne, ça fait un an / Que j’me pardonne, que j’me pardonne / non, j’aurai pas d’enfants. »

« Toute la toune, c’est un coup de poing après l’autre, c’est ce qui me fait de la peine. Mais c’est vrai, ditelle sereine. Et Francis me disait : c’est ton pire moment, c’est pas ta vie, c’est pas un documentai­re. C’est comment tu te sens quand c’est ton pire moment. »

Et le disque est ainsi : franc, transparen­t. « Je chuchote des secrets » , résume Groulx. Sa voix, jadis un peu mêlée au reste de l’instrument­ation, est ici bien en avant. « J’ai bien articulé les mots pour qu’on comprenne exactement ce que je raconte. Et en arrière, il y a des ambiances, des paysages sonores. »

La voici donc sans fard, littéralem­ent. « J’ai pris mes photos de presse avec Marc- Étienne [ Mongrain] et je ne suis pas maquillée. Je lui ai dit que je voulais avoir l’air de moi, je me suis habillée comme moi dans la vie. C’est mon album le plus tout nu ! »

Chasing Clouds

Martine Groulx, Simone Records. En magasin vendredi.

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MARIE- FRANCE COALLIER LE DEVOIR Martine Groulx est active dans le monde de la musique alternativ­e depuis des lunes, elle qui s’est occupée entre autres de centaines de groupes émergents à travers la défunte SOPREF.
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