Quelques souvenirs doux-amers
Que l’auteure y dépeigne des jeux d’enfants ( « L’été des voisins nazis » ), un souvenir amoureux ( « Tache » ) ou les lubies d’un vieillard ( « Le double » ) , il émane de chaque nouvelle de Naissances une envahissante morosité. Avec un regard d’entomologiste, Kate Cayley observe chaque univers qu’elle crée d’un récit à l’autre en s’attardant, presque cruellement, sur les traits physiques et psychologiques les moins glorieux de ses personnages.
Quand ce n’est pas le désespoir ou l’échec annoncé qui planent au-dessus de ses héros de l’ordinaire, telles cette petite foraine qui rêve d’un bon mari ( « Nains et géants de foire, Photographie, 1914 » ) , cette fillette folle d’un homme dragon ( « Acrobate » ) ou cette poète envahie par la présence d’une peintre ( « Poète aveugle » ), c’est la mort qui rôde dans les parages.
Survivant de l’Holocauste hanté par ses souvenirs ( « Soins de longue durée » ) ou vieille habitante des Appalaches racontant des histoires à dormir debout ( « Le jeune Hennerly » ) : l’auteure of fre une vision peu idyllique de l’âge d’or.
Même lorsqu’elle aborde les joies de la maternité, à travers le couple de mères de « Ressemblance » et de « Ta naissance » , la première nouvelle ouvrant le recueil et la seconde le fermant, Kate Cayley ne peut s’empêcher d’évoquer la solitude d’une grand-mère endeuillée et celle d’une mère célibataire naïve.
S’il fallait ne retenir qu’une nouvelle pour donner l’envie de plonger dans la sombre mélancolie de Naissances, ce serait « Des garçons » . La plume incisive, le trait lapidaire, la description impitoyable, Kate Cayley y relate le destin de deux cousins, dont l’un est déficient intellectuel.
Certes, la nouvelle n’est pas la plus porteuse d’espoir du recueil, mais elle concentre en elle toute la force du style de l’auteure, qui, sous le couvert d’histoires banales paraissant dénuées d’émotion, raconte entre les lignes une humanité douloureusement en quête de rédemption et de quelques miettes de bonheur.