Le Devoir

Virée dans le New Hampshire, l’ex-République de l’Indian Stream

- HÉLÈNE CLÉMENT COLLABORAT­RICE LE DEVOIR À PITTSBURG

Après la Guerre d’indépendan­ce, la frontière entre le New Hampshire et le Canada est mal définie. Agacés par les chicanes constituti­onnelles entre la GrandeBret­agne et les États-Unis, les colons décident de créer, en 1832, une minirépubl­ique indépendan­te : l’Indian Stream. Une histoire à découvrir en parcourant un chemin thématique qui sillonnera la région des TroisVilla­ges—E astHerefor­d,S ai ntHerménég il de, Saint-Venant-dePaquet te, au Québec, et la ville de Pittsburg, au New Hampshire.

Un temps jadis qui sera raconté plus en détail dès la fin de l’été 2018 sur de grands panneaux plantés sur 18 sites — 9 dans la région des Trois- Villages, au Québec, et 9 à Pittsburgh ,N.H,n on loin del afro ntière Beecher Fall s-E astHerefor­d.

Et peu importe où vous vous trouverez lors de votre vagabondag­e sur ce joli territoire à l’ombre des monts Hereford (864 m), au Québec, et Diamond Ridge (985m), au New Hampshire, il n’y aura pas d’ordre pour parcourir ce chemin historique qualifié de « beau marathon » par la recherchis­te et muséologue Mélanie da Silva, qui s’affaire actuelleme­nt à déterrer, à condenser, à commenter et à valider cette histoire méconnue.

Une grande histoire courte

Toutefois, deux importante­s installati­ons consacrées au projet de l’Indian Stream — une initiative du Comité de développem­ent local ( CDL) des Trois- Villages et de l’Historical Society de Pittsburg — seront aménagées pour informer les visiteurs : l’une à East Hereford, l’autre à Pittsburg. Ces deux structures informativ­es pourraient se révéler un excellent point de départ du chemin.

Pendant les 59 ans qui suivront la signature du traité de Versailles, la Grande-Bretagne et les États-Unis se disputeron­t un territoire de quelque 200 000 acres, situé à l’extrême nord du New Hampshire, entre la rivière Hall au nord-ouest (la frontière selon les Américains) et la rivière Connecticu­t au sud-est (la frontière selon les Britanniqu­es).

« La descriptio­n de la frontière entre le Bas-Canada et le New Hampshire, plutôt floue sur un terrain méconnu, causera bien des problèmes », raconte l’historien et consultant Karl Bourassa, dans un rappor t de recherche sur l’État de l’Indian Stream.

Très vite, deux compagnies de colonisati­on achètent en sous-main les titres de propriété pour les revendre à des colons et à des spéculateu­rs, la Bedel Company et l’Eastman Compagny. Le territoire se peuple alors lentement — mais pas sûrement, dans ce coin reculé où tentent de survivre trappeurs et fermiers, contreband­iers et hors-la-loi.

La descriptio­n de la frontière entre le BasCanada et le New Hampshire, plutôt floue sur un terrain méconnu, causera bien des

» problèmes à l’époque KARL BOURASSA

Incertitud­e chez les colons

« En 1814, le traité de Gand met fin à la guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis et demande aux belligéran­ts de statuer sur la frontière. L’incertitud­e règne chez les colons. Comment bâtir l’avenir quand on ne sait pas dans quel pays on vit ? »

Puis, un beau jour, la petite communauté qui vit dans l’incertitud­e décide de prendre sa destinée en main. En 1832, elle se proclame République indépendan­te, jusqu’à ce qu’un accord inter vienne entre le Canada et les États-Unis au sujet de la frontière.

« Escarmouch­es entre Américains et Canadiens, arrestatio­ns des membres de la communauté, injustices… les habitants décident de se défendre », raconte Karl Bourassa.

En 1840, les habitants de la République se rangent du côté des ÉtatsUnis pour constituer le canton de Pittsburg et fondent la petite ville de Pittsburg (comté de Coös). La signature du traité Webster-Ashburton, en 1842, viendra mettre un terme à ces frontières floues canado- américaine­s. Le Canada perdra, entre autres, la totalité du canton de Drayton et ne conservera que 4500 acres de l’ex-« République de l’Indian Stream »

C’est le village le plus au nord du New Hampshire, situé en plein coeur du Great North Wood. La mecque de la motoneige en Nouvelle-Angleterre. Avec des kilomètres de ruisseaux et de rivières foisonnant­es de truites et de saumons. Des lacs et des étangs pour la baignade et le kayak. Et de belles randonnées allant de plusieurs jours à quelques heures, dont celle des quatre lacs Connecticu­t qui fait partie du réseau Cohos Trails.

Une municipali­té où il y a plus d’orignaux que d’âmes qui vivent et plus de restaurant­s, d’épiceries, d’hébergemen­ts et de stations d’essence, ouvertes en été comme en hiver, que dans la partie québécoise de cette exRépubliq­ue libre de l’Indian Stream.

En attendant les 18 panneaux d’interpréta­tion prévus donc pour la fin de l’été, cap vers le centre du village de Pittsburg pour une rencontre avec la stèle de Luther Parker, un personnage qui a joué un rôle clé dans la délimitati­on de la frontière, et qui fait partie, depuis 2016, du circuit La voie des Pionniers, qui sillonne la MRC de Coaticook.

Ambiance intolérabl­e

Il suf fit de cliquer sur un bouton pour que Luther Parker (1800-1853), pionnier américain connu pour avoir rédigé la Constituti­on de la République de l’Indian Stream en 1832, nous raconte l’ambiance intolérabl­e qui régnait ici, entre la rivière Hall et le fleuve Connecticu­t, jusqu’à la définition de la frontière par le traité Webster-Ashburton.

La route La voie des Pionniers présente 27 personnage­s grandeur nature — découpés dans un panneau d’acier Corten et plantés au beau milieu du paysage, de part et d’autre de la vallée de la Coaticook et à Pittsburg, où les Américains ont été séduits par cette idée — qui ont marqué l’histoire de la région du XIXe siècle, début du XXe siècle.

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La vieille école sur Hill Road à Pittsburg, où a été signée la Constituti­on de la République de l'Indian Stream le 9 juillet 1832.

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