Le Devoir

Juste en poussant la porte de chez Denise

- CRITIQUE JEAN-PHILIPPE TASTET COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Lorsque des gens qui ne viennent pas du milieu de la restaurati­on se lancent dans cet aquarium très particulie­r, on est toujours un peu perplexes. Inquiets aussi, compte tenu du taux de roulement dans ce milieu. Perplexe et un peu inquiet j’étais donc, avant ma visite impromptue chez Denise. En plus, des fois ça s’appelle Café Denise, d’autres fois simplement Denise. Et pour finir, il s’agit d’un minilocal dans une partie de l’avenue Beaumont franchemen­t décalée ; Parc-Ex est souvent décalé.

C’était avant que les assiettes arri- vent. Avant également notre rencontre avec Florencia et la chef Sophie Véronneau, l’une illuminant de son sourire le service, l’autre mettant de la joie dans ses assiettes aux accents asiatiques. Une fois assis, dès la première bouchée, tout est effectivem­ent rentré dans l’ordre.

Juste en poussant la porte, on se sent bien dans ce petit local au décor chaleureus­ement minimalist­e. Une trentaine de places sur de jolis tabourets du style de ceux utilisés dans ma jeunesse pour traire les vaches; j’étais déjà ému. En fond musical discret, la voix de Lhasa invite à se détendre. Les restaurate­urs n’ont pas idée du bien que peut faire un fond musical lorsqu’il est discret. Les précisions au sujet du menu ou de certains de ses composants sont données par Florencia, soie additionne­lle.

Sage sans être banal

Par son graphisme, la carte de Denise pourrait être celle d’un sympathiqu­e bistro californie­n, préférable­ment à Hollywood ou dans ses environs, la mise en scène étant belle. De petits plats à petits prix, matin, midi ou soir ; des choses assez sages sans toutefois être banales. Par exemple, pour votre déjeuner, Denise vous propose du flanc de porc avec un oeuf poché et du riz alors qu’à son banh mi, le généreux sandwich vietnamien, on vous suggère très judicieuse­ment d’ajouter un oeuf au thé noir.

Le menu de notre soirée comportait une douzaine de propositio­ns, parmi lesquelles Florencia a choisi cinq plats après enquête sur nos goûts et notre appétit. Cela se résume à ceci :

Pickle de feuilles de moutarde. Enfin quelqu’un qui pense à offrir autre chose que des cacahuètes grillées ou des cornichons marinés ; ces feuilles délicieuse­ment apéritives étaient une révélation tant pour Madame Poppins que pour moi-même. Elles devraient l’être pour vous si vous les essayez.

Porc caramélisé avec oeuf. Comme le chante Martin L. : « C’est ça qui est ça. » Quelques cubes de viande très tendres et un peu grassets, présentés dans un bouillon savoureux, avec un

peu de daikon et couronnés d’un oeuf dur. Madame a ronchonné, trouvant qu’il n’y avait pas assez de daikon. J’ai trouvé le plat plutôt équilibré. Bò lá lôt, boeuf grillé en feuilles de bétel. Sur un lit de vermicelle­s de riz, quatre bouchées de boeuf haché et quatre de tofu délicateme­nt enveloppée­s dans des feuilles de bétel et rehaussées de shizo rouge, de basilic et de coriandre frais. En accompagne­ments: deux sauces succulente­s, surtout celle intitulée « ananas, sauce de poisson et piments forts ». Aubergines marinées au saké et au

miso. Sans doute le point culminant de la soirée. De belles bouchées d’aubergine, dodues, parfumées, dans une sauce forte en saké, le tout parsemé de graines de sésame et de petits oignons verts ciselés.

Riz à la vapeur. Complément idéal de tous les plats susmention­nés.

Il y avait bien pour desser t un « tapioca à la feuille de pandan » , mais c’était un peu trop évaporé pour que je vous en parle.

Pour les beaux jours qui vont finir par arriver, ces dynamiques jeunes gens envisagent une terrasse. Je reviendrai avec plaisir.

Café Denise

★★★ $$

386, avenue Beaumont, 514 664-4637. Version café, ouvert de 8h à 16h du lundi au vendredi et le samedi de 10 à 16h; version restaurant, ouvert de 18h à 22h30 du mardi au samedi.

Du fin fond de la Bulgarie, résistant aux effluves de bouteilles locales, l’expert mondial M. Aubry commente ainsi la carte des vins de chez Denise : « La dégustatio­n démarre ici par un graphisme de la carte qui vous met déjà les papilles en liesse. La sélection ensuite, concise, précise et modérée côté prix, confirme que l’on prend votre bonheur au sérieux. Faites-le alors mousser avec ce beau champagne… à moins de 100$! »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR On se sent bien dans ce petit local au décor chaleureus­ement minimalist­e. Une trentaine de places sur de jolis tabourets du style de ceux utilisés dans ma jeunesse pour traire les vaches ; j’étais déjà ému. En fond musical discret, la voix de Lhasa...
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