Le Devoir

Québec financera les études d’impact des minières

- ALEXANDRE SHIELDS

Le gouverneme­nt Couillard s’est engagé à financer les études d’impact social et environnem­ental que les entreprise­s minières doivent mener pour leurs projets, afin de les «encourager» à mieux prendre en considérat­ion les enjeux liés au développem­ent de l’industrie. Cette nouvelle mesure fiscale, réclamée par les minières, s’ajoute à d’autres éléments du budget 2018 favorables aux entreprise­s du secteur.

Le plan économique présenté la semaine dernière par le ministre des Finances, Carlos Leitão, souligne ainsi que «les sociétés minières doivent faire face à plusieurs obligation­s et responsabi­lités sociales associées à leurs activités». Or, ces obligation­s «peuvent entraîner des dépenses importante­s».

« Afin d’encourager le secteur minier à mieux prendre en considérat­ion les enjeux sociaux et environnem­entaux», le gouverneme­nt a donc décidé que les entreprise­s pourront désormais «déduire dans le calcul de leur impôt minier les frais [assumés] pour réaliser les études d’impact social et environnem­ental de leur projet». Québec évalue le coût de cette « allocation» à quatre millions de dollars pour les cinq prochaines années.

50% des frais

Cette nouvelle mesure fiscale signifie que les entreprise­s pourront déduire divers frais du calcul des redevances minières à verser à l’État québécois. Par ricochet, la dispositio­n inscrite dans le plus récent budget prévoit donc que le gouverneme­nt financera une partie des études d’impact social et environnem­ental à même les redevances qui devraient être ultimement versées au Fonds des génération­s.

Selon les précisions fournies par l’Associatio­n minière du Québec (AMQ), qui défend les intérêts de l’industrie, quelque 50% des frais assumés pour les études environnem­entales et sociales pourront être déduits. Ceux-ci peuvent notamment inclure les services de consultant­s, des honoraires profession­nels et des salaires d’employés.

L’AMQ a d’ailleurs salué cette nouvelle mesure favorable à l’in-

dustrie, même si elle aurait souhaité que «100% des frais [assumés]» pour les études puissent être déduits. «Le développem­ent de projets miniers apporte son lot d’exigences pour réaliser les études d’impact social et environnem­ental, exigences parmi les plus importante­s de tous les secteurs industriel­s. En permettant de déduire ces frais, le gouverneme­nt reconnaît que les sociétés minières doivent en faire beaucoup et leur apporte une bouffée d’air», a commenté sa présidente-directrice générale, Josée Méthot.

Le porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, Ugo Lapointe, estime toutefois qu’une telle mesure ne devrait pas être financée à même les redevances. « Que l’on encourage des meilleures pratiques sociales et environnem­entales par des incitatifs fiscaux, on ne peut pas être contre. Mais que l’on gruge davantage dans les revenus déjà très faibles tirés des redevances minières pour le faire, cela n’est pas acceptable », a-t-il fait valoir.

«Les ressources minières sont non renouvelab­les. Une fois qu’elles sont extraites, les génération­s futures n’y ont plus accès. Nous sommes donc d’avis que les redevances minières doivent d’abord et avant tout servir aux génération­s futures», a ajouté M. Lapointe.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que le gouverneme­nt avait décidé de les verser en totalité au Fonds des génération­s.

Les plus récentes données disponible­s auprès du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles indiquent que 21 entreprise­s minières ont versé environ 100 millions de dollars en redevances au cours de l’année 2016. Pendant ce temps, selon des «données provisoire­s » de l’Institut de la statistiqu­e du Québec, la valeur brute des ressources extraites du sol québécois en 2016 atteignait près de 8,3 milliards de dollars. Un chiffre en hausse par rapport à 2015, alors que les «données finales» font état d’une valeur brute de 7,5 milliards de dollars.

Cela signifie que le taux de redevances avoisine, chaque année, 1% à 1,5% de la valeur brute des matières extraites.

Financer l’exploratio­n

Le budget 2018-2019 du gouverneme­nt Couillard prévoit par ailleurs une prolongati­on, pour dix ans, du financemen­t du «volet patrimoine minier du Fonds des ressources naturelles». Celui-ci sert à acquérir des connaissan­ces géoscienti­fiques en vue de découvrir de nouveaux gisements miniers et de mettre en production de nouvelles mines.

Ce programme, salué par l’AMQ, est financé lui aussi directemen­t «à partir des redevances versées par les entreprise­s minières». Il pourra bénéficier d’une enveloppe de 200 millions de dollars d’ici 2028, à raison de 20 millions par année.

Le gouverneme­nt a aussi profité du dernier budget avant les élections d’octobre prochain pour inscrire un montant de 20 millions sur deux ans pour «soutenir» les entreprise­s minières qui font des travaux de réfection de chemins d’accès «en lien avec la mise en production d’un nouveau projet minier sur le territoire du Plan Nord ».

Toujours sur le territoire du Plan Nord, Québec a mis de côté le projet de nouveau chemin de fer vers la fosse du Labrador, après avoir financé une étude de faisabilit­é de 15 millions de dollars. Le budget du ministre Leitão précise toutefois que le gouverneme­nt a injecté depuis 2016 plus de 120 millions de dollars dans le rachat et la remise en activité des installati­ons ferroviair­es et portuaires de Pointe-Noire, à Sept-Îles. Ces infrastruc­tures doivent permettre aux minières d’exporter le minerai de fer exploité sur le territoire du Plan Nord.

L’État québécois poursuit en même temps la restaurati­on des sites miniers abandonnés au Québec. Selon la plus récente mise à jour du «plan de travail», la facture payée par les contribuab­les pourrait atteindre 1,2 milliard de dollars, dont au moins 745 millions pour les 499 sites abonnés actuelleme­nt répertorié­s. D’autres sites pourraient s’ajouter à la liste, «étant donné le statut financier précaire des responsabl­es ».

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DAVID BOILY AGENCE FRANCE-PRESSE Québec souhaite «encourager le secteur minier à mieux prendre en considérat­ion les enjeux sociaux et environnem­entaux».

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