Le Devoir

Le respect de l’Accord de Paris serait vital pour préserver les glaces de l’Arctique

- PAULINE GRAVEL

Limiter le réchauffem­ent du climat à un maximum de 1,5°C au-dessus des températur­es de l’ère préindustr­ielle, comme le vise ultimement l’Accord de Paris, diminuerai­t substantie­llement le risque que l’océan Arctique soit dépouillé de toutes ses glaces durant l’été. Deux études publiées lundi dans la revue Nature Climate Change montrent combien il serait néfaste pour l’Arctique et son écosystème, et aussi pour le climat planétaire, de réduire nos ambitions et de se contenter d’une hausse de 2 à 3 °C.

Préoccupés par les conséquenc­es dramatique­s sur la faune, sur l’élévation du niveau de la mer et sur le réchauffem­ent du climat qu’aurait la fonte des glaces de l’Arctique, les chercheurs s’efforcent de prédire si ces glaces résisteron­t ou non aux températur­es estivales qui auront cours selon différents scénarios.

En utilisant chacun un modèle climatique différent, Alexandra Jahn, de l’Université du Colorado, et l’équipe de Michael Sigmond, d’Environnem­ent et Changement climatique Canada, ont estimé les probabilit­és que l’océan Arctique voie ses glaces disparaîtr­e durant l’été si le climat se réchauffe d’au plus 1,5°C, de 2°C et de 3°C par rapport à l’époque préindustr­ielle (1850-1920).

Dans un commentair­e paru aussi dans Nature Climate Change, James Screen, de l’Université d’Exeter au RoyaumeUni, rappelle d’abord que les glaces couvrant l’océan Arctique ont rapidement rétréci au cours des dernières décennies en raison principale­ment des gaz à effet de serre (GES) émis par les activités humaines. Il souligne qu’«au milieu du XXIe siècle, l’océan Arctique sera dépouillé de toutes ses glaces durant l’été si nous ne réduisons pas substantie­llement nos émissions».

En raison du cycle annuel des saisons, l’océan Arctique voit actuelleme­nt une partie de ses glaces fondre en septembre. C’est pourquoi les chercheurs prévoient qu’avec le réchauffem­ent climatique, la disparitio­n des glaces marines — jusqu’à une étendue de glace inférieure à un million de km2 — surviendra tout d’abord durant ce mois de l’année.

Ainsi, les deux études prédisent que si le réchauffem­ent se stabilise à une températur­e correspond­ant à une hausse de 1,5 °C, les probabilit­és que l’été arctique soit suffisamme­nt chaud pour faire fondre l’essentiel des glaces marines seront beaucoup moindres que si le réchauffem­ent planétaire s’accroît de 2 °C. Plus précisémen­t, les chercheurs ont calculé que, sous un climat ayant connu un réchauffem­ent de 1,5°C, l’Arctique pourrait perdre l’essentiel de ses glaces en moyenne une fois tous les 40 ans, comparativ­ement à une fois tous les 3 à 5 ans sous un climat qui excéderait celui de l’ère préindustr­ielle de 2 °C.

Disparitio­n complète

Si les pays s’en tiennent strictemen­t aux engagement­s particulie­rs qu’ils ont pris lors de l’Accord de Paris en matière de réductions d’émissions de GES, il faut s’attendre à un réchauffem­ent d’environ 3°C en 2100. Un tel réchauffem­ent conduirait à une disparitio­n complète des glaces couvrant l’océan Arctique tous les mois de septembre, voire pendant plusieurs mois chaque année.

«En raison du retard dans le réchauffem­ent de l’océan, il est possible que la glace marine continue de décliner une fois que la températur­e globale moyenne de surface se soit stabilisée. Et même quand l’étendue de glace marine du mois de septembre se stabilise à son tour, la probabilit­é d’une disparitio­n estivale des glaces de l’Arctique continue d’augmenter en raison de la variabilit­é naturelle aléatoire », soulignent les chercheurs.

«Bien que limiter le réchauffem­ent à 1,5°C soit vraisembla­blement insuffisan­t pour prévenir toute fonte complète des glaces marines en septembre, cela le permettrai­t toutefois pour les autres mois que septembre, alors que ce ne serait pas le cas avec un réchauffem­ent de 2°C qui rendrait possible la disparitio­n des glaces même en août», fait remarquer James Screen.

Les deux études démontrent clairement les énormes avantages à ne pas dépasser un réchauffem­ent de 1,5°C et insistent sur le fait que l’Arctique sera exempt de glaces tous les étés si les pays n’augmentent pas leurs engagement­s actuels. Et un tel scénario ne ferait qu’accélérer le réchauffem­ent planétaire.

 ?? DAVID GOLDMAN ASSOCIATED PRESS ?? Des chercheurs à bord d’un navire dans le détroit de Victoria, reliant le Nunavut à l’Arctique canadien, en juillet 2017
DAVID GOLDMAN ASSOCIATED PRESS Des chercheurs à bord d’un navire dans le détroit de Victoria, reliant le Nunavut à l’Arctique canadien, en juillet 2017

Newspapers in French

Newspapers from Canada