Le Devoir

La CAQ à la conquête du vote des femmes

Selon un analyste de sondages, « si [le parti] performait aussi bien avec les femmes qu’avec les hommes, [il] formerait probableme­nt le prochain gouverneme­nt »

- JOCELYNE RICHER à Québec

La Coalition avenir Québec de François Legault n’a jamais eu la cote auprès des femmes. Ni en 2012, ni en 2014. Et si jamais ce scénario se reproduit le 1er octobre 2018, on peut se demander quel en serait l’effet sur le résultat de l’élection générale.

Mais est-ce que l’appui des électrices à la CAQ pourrait être déterminan­t, au point de faire la différence entre la victoire et la défaite pour François Legault ?

«Absolument», répond sans broncher Philippe J. Fournier, en entrevue téléphoniq­ue. Enseignant au Cégep Saint-Laurent et collaborat­eur au magazine L’actualité, le créateur du site Web Qc125 se spécialise dans l’analyse des sondages politiques et les simulation­s statistiqu­es en matière de projection­s de sièges.

Dans son esprit, il ne fait aucun doute que «si la CAQ performait aussi bien avec les femmes qu’avec les hommes, elle formerait probableme­nt le prochain gouverneme­nt», le 1er octobre, si on se fie aux sondages des derniers mois.

Selon M. Fournier, la CAQ, qui a le vent dans les voiles, a déjà fait le plein du vote masculin, mais tarde à conquérir le vote féminin. Il cite en exemple le dernier sondage Recherche Mainstreet, publié en mars, qui confirme l’écart marqué entre le vote des femmes et celui des hommes: la CAQ récolte l’appui de 36% des hommes, mais seulement de 28 % des femmes. « C’est énorme », dit M. Fournier, en parlant de l’écart des appuis à la CAQ calculés sur la base des sexes, un écart entre 6 et 8 points qui se confirme d’un sondage à l’autre.

À partir des extrapolat­ions obtenues d’une série de sondages effectués entre janvier et septembre 2017, M. Fournier conclut que la CAQ n’attire que 24,1% du vote féminin. Les femmes préfèrent voter pour le Parti libéral du Québec (PLQ) à 32,7%, ou encore pour le Parti québécois (PQ) à 23,5%, et pour Québec solidaire (QS) à 16,2 %.

Legault sexiste?

Il serait hasardeux d’expliquer les raisons de la désaffecti­on des femmes envers la CAQ, créée en 2011. Mais c’est un fait que François Legault, reconnu pour ses déclaratio­ns controvers­ées sur les femmes, a suscité la polémique à plusieurs reprises.

Invité en 2012 à expliquer le désaveu des électrices envers la CAQ, qui ne récoltait que 16 % du vote féminin dans un sondage, François Legault n’avait pas aidé sa cause en soutenant que «les femmes sont plus réfractair­es au changement », s’attirant aussitôt une pluie de critiques.

La même année, il s’était fait traiter de sexiste sur les réseaux sociaux quand il avait tenté d’expliquer pourquoi les garçons boudaient la profession d’enseignant. Selon lui, les gars jugent leur salaire peu attrayant, alors que «les filles attachent moins d’importance au salaire que les garçons».

En novembre 2014, il avait dû s’excuser auprès de l’animatrice et productric­e Julie Snyder pour l’avoir réduite à n’être que «la femme de quelqu’un d’autre ».

En mars de la même année, M. Legault avait une fois de plus déclenché une tempête sur les réseaux sociaux en ayant l’air de rabrouer publiqueme­nt son épouse, Isabelle Brais, en conférence de presse. «C’est pas toi qui parles ! » lui avait-il lancé devant les caméras.

Le style du chef caquiste peut indisposer, lui qui n’hésite pas à utiliser des métaphores viriles pour qualifier ses adversaire­s. En mars 2014, il avait jugé que son adversaire libéral, Philippe Couillard, «n’avait pas de couilles».

Objectif: 50 candidates

La réserve des femmes à appuyer la CAQ se répercute dans le recrutemen­t de candidates. Dans le passé, ce parti ne s’est jamais signalé par sa propension (ou sa volonté) à recruter des femmes dans son équipe, obtenant le pire score des trois grands partis quant à la proportion de candidates.

En 2012, la CAQ comptait 24% de candidates; en 2014, c’était encore pire, avec seulement 21%. En haut lieu, on semble avoir compris qu’on devait changer les choses pour espérer prendre le pouvoir.

L’objectif de la CAQ pour le prochain scrutin: présenter plus d’une cinquantai­ne de candidates, soit au moins le double de la dernière fois. La CAQ atteindrai­t donc pour la première fois la fameuse zone de parité, «une cible ambitieuse» estime l’organisatr­ice en chef du parti, Brigitte Legault, reconnaiss­ant que la CAQ «traînait de la patte » à ce chapitre.

À l’heure actuelle, déjà, 38% des candidats sont des femmes, assure Mme Legault. Le processus de recrutemen­t fonctionne à plein régime, dit celle qui affirme avoir reçu à ce jour plus de 500CV de gens intéressés à porter les couleurs de la Coalition.

Le prochain congrès du parti, qui se tiendra à Lévis, les 26 et 27 mai, sera l’occasion de rendre publiques plusieurs candidatur­es. On espère qu’à cette date on aura déjà annoncé jusqu’à 80 des 125 candidats qui formeront l’équipe caquiste.

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