Le Devoir

La Commission des droits plaide pour l’intégratio­n des personnes handicapée­s en milieu de travail

Walmart Canada a présenté ses excuses pour la « confusion » et la « déception » créées par son annonce

- PIERRE SAINT-ARNAUD

Dans la foulée de l’affaire Walmart, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) revient à la charge pour réclamer que le secteur privé soit assujetti à la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics.

Le géant du détail a soulevé l’indignatio­n, la semaine dernière, en mettant fin à son programme de formation profession­nelle, privant du même coup de nombreuses personnes souffrant d’un handicap intellectu­el ou d’un trouble du spectre de l’autisme de leur emploi. Certaines de ces personnes travaillai­ent pour Walmart depuis une vingtaine d’années.

En entrevue avec La Presse canadienne, lundi, le président par intérim de la Commission, Philippe-André Tessier, a fait valoir que le fait de soumettre les entreprise­s à la loi aurait pu prévenir un tel dénouement.

«Ce n’est pas une loi coercitive», a-t-il expliqué, précisant que le rôle de la CDPDJ, qui est responsabl­e de sa mise en oeuvre, est «d’accompagne­r les employeurs et d’établir les programmes d’accès», afin d’assurer une meilleure représenta­tivité des femmes, des minorités visibles, des minorités ethniques, des autochtone­s et des personnes handicapée­s dans les milieux de travail.

M. Tessier reconnaît que les dossiers peuvent à terme déboucher devant le Tribunal des droits de la personne «si les seuils ne sont pas atteints après un certain temps et après vérificati­on avec les employeurs concernés», mais il insiste sur le fait que l’objectif premier est de mettre en place des programmes «un peu comme celui qui était en vigueur chez Walmart».

Du même souffle, Philippe-André Tessier plaide pour une plus grande intégratio­n des personnes handicapée­s, pointant du doigt la contradict­ion entre le fait de les mettre sur la voie d’évitement alors que le Québec est aux prises avec une pénurie de main-d’oeuvre.

Pas de plainte… jusqu’ici

Bien que Walmart ne soit pas assujetti à la loi, l’entreprise n’échappe pas pour autant aux provisions contre la discrimina­tion contenues dans la Charte des droits et libertés.

M. Tessier a toutefois précisé que la Commission n’a pas reçu de plainte dans le dossier de Walmart jusqu’ici. Une telle plainte serait étudiée comme toute autre plainte similaire, a-til précisé. Prudent, il évite toutefois soigneusem­ent de se prononcer sur la recevabili­té d’une éventuelle plainte dans ce cas-ci.

«Notre service devrait d’abord valider s’il y a véritablem­ent des éléments factuels au dossier qui nous permettent d’ouvrir une enquête. […] Il nous faut quand même s’assurer que ça pourrait ultimement déboucher vers une conclusion de discrimina­tion», a-t-il dit.

Walmart Canada a présenté samedi des excuses pour avoir «créé de la confusion et de la déception » à la suite de la mise à pied des personnes concernées.

Dans un courriel envoyé à plusieurs médias, le vice-président aux affaires entreprene­uriales de Walmart Canada, Robert Nicol, s’est engagé à travailler avec l’ensemble des participan­ts de son programme de formation profession­nelle, de leur famille et des organismes de services sociaux pour trouver de «nouveaux arrangemen­ts» et n’a pas écarté la possibilit­é de les réembauche­r. Il n’a toutefois donné aucune garantie à cet effet ou de précisions sur les gestes que le détaillant entend poser.

Bilan en demi-teintes

Quant à la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi, celle-ci tarde à porter les fruits espérés.

Le dernier bilan triennal présenté en 2016 — qui couvre les années 2013 à 2015 inclusivem­ent — démontre que les organismes publics visés ont à peine atteint le tiers des objectifs pour la représenta­tion en ce qui a trait aux personnes handicapée­s.

Les progrès les plus marquants ont été obtenus par les femmes, mais dans des proportion­s très variables selon les catégories d’emploi. Certains organismes ont présenté de meilleurs bilans que d’autres, notamment les sociétés de transport, mais les résultats globaux montrent qu’il reste énormément de travail à faire.

La Commission déplore par ailleurs que la fonction publique québécoise soit toujours exemptée elle aussi de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics, le gouverneme­nt du Québec jugeant ses propres programmes d’intégratio­n suffisants.

 ?? SCOTT OLSON GETTY IMAGES / AGENCE FRANCE-PRESSE ?? La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse n’a pas reçu de plainte dans le dossier de Walmart jusqu’ici.
SCOTT OLSON GETTY IMAGES / AGENCE FRANCE-PRESSE La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse n’a pas reçu de plainte dans le dossier de Walmart jusqu’ici.

Newspapers in French

Newspapers from Canada