Choisir le rabais au lieu de la qualité
Se réfugiant derrière le principe spécieux de la liberté de choix, le gouvernement Couillard a accru l’attraction des garderies dites non subventionnées et des services de garde non régis, auprès des parents moins bien nantis en particulier. Ce soutien entre en contradiction avec sa Politique de réussite éducative dévoilée avec pompe en juin dernier.
Àla faveur du dernier budget Leitão, Québec a haussé de 9000$ à 9500$ le plafond annuel du crédit d’impôt remboursable, avec indexation, pour les frais de garde déboursés par des parents dont les enfants ne fréquentent pas les services de garde à contribution réduite, soit les centres de la petite enfance (CPE), les garderies directement subventionnées et les services de garde en milieu familial régis.
Cette augmentation ira aux parents qui envoient leurs enfants dans des garderies dites non subventionnées et dans les services de garde non régis. On parle de services non subventionnés, mais en fait, ils le sont, non pas directement comme les services de garde à contribution réduite, mais indirectement par le truchement du crédit d’impôt québécois et des déductions fédérales. Ainsi, un couple dont les revenus atteignent 50 000$ ne paiera que 5,24$ du tarif journalier de 36,54$, soit un peu moins que ce qu’il aurait à débourser dans un ser vice de garde à contribution réduite.
Questionné à l’Assemblée nationale, le ministre de la Famille, Luc Fortin, s’est posé en défenseur de la liberté de choix des parents qui sont «les mieux placés pour faire les bons choix pour leurs enfants ».
Que de sottises! Les parents n’ont pas réellement eu le choix entre une place dans un CPE et un autre dans une garderie commerciale. Au moment où le gouvernement Charest adoptait des mesures pour encourager l’essor de ces garderies privées, il n’y avait pas suffisamment de places disponibles dans les services de garde à 7$ pour que les parents puissent exercer ce prétendu choix.
Qui plus est, comment un parent peut-il évaluer la qualité du service de garde? La plupart du temps, il manquera d’information pour ce faire. Et ce n’est que des années plus tard, à l’école, par exemple, que les problèmes surgiront.
Le ministre a affirmé qu’il n’avait de préjugé favorable envers aucun service de garde. Or son gouvernement, pour des motifs financiers, a misé sur les garderies au rabais, dont les places ne lui coûtent qu’une fraction de ce qu’il verse aux CPE. Ainsi, de 2008 à 2017, il s’est créé 57 000 places dans ces garderies, une progression de 1200 %.
Ce n’est pas faire preuve d’un préjugé que de reconnaître, comme l’a constaté l’Institut de la statistique du Québec, qu’une garderie commerciale, à 38$ par jour, malgré toute la bonne volonté que peuvent manifester ses propriétaires, ne peut rivaliser avec un CPE à 60 $ par jour.
En outre, avec le crédit d’impôt, l’État finance allégrement des services de garde non régis de la qualité desquels il ignore tout.
Cette disparité objective dans la qualité des différents services de garde contrevient aux visées de la politique gouvernementale de la réussite éducative, notamment au principe de l’égalité des chances. C’est d’autant plus vrai que ce sont les familles les moins fortunées qui ont un intérêt pécuniaire à opter pour les garderies commerciales. La solution à cette disparité inégalitaire n’est toutefois pas évidente après des années d’une offensive libérale bien orchestrée en vue de favoriser le développement des services de garde privés.