Le Devoir

Une culture à adopter pour le bien de tous

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J’enseigne aux adultes, aidant ceux et celles qui n’ont pu compléter leur Ve secondaire dans le délai prescrit pour toutes sortes de raisons. Chaque mois, nous avons des élèves qui entrent et d’autres qui sortent ayant réussi. Certains passent plusieurs années avec nous, quelquefoi­s après quelques essais. Ils et elles repartent avec ce qui leur permettra de s’élancer, de s’intégrer dans cette société qui a une grande soif d’eux. Ils et elles repartent ayant grandi intellectu­ellement, mais aussi socialemen­t, brisant le cercle vicieux de la pauvreté.

J’enseigne dans de petits centres, Asbestos et Windsor. De petits centres où il se fait de grandes choses. Récemment, notre ministre a lancé une idée de génie: le LABÉcole. Tenter de créer des lieux où il fait bon vivre, enseigner et réussir. Le hic est que les besoins sont grands et les ressources publiques, limitées.

À Asbestos, par un heureux hasard, notre école répond bien à nos besoins: une grande salle centrale, des classes en périphérie avec plusieurs fenêtres dans un des- ign circulaire. À Windsor, c’est autre chose. Un édifice de bureaux, mal adapté pour une école: aucune salle suffisamme­nt grande pour réunir notre centaine d’élèves et de voir tout ce beau monde dans le blanc des yeux, un édifice divisé sur deux niveaux séparant les élèves d’intégratio­n sociale dans le semi-sous-sol et le reste de la clientèle à l’étage — belle incongruit­é —, des racoins partout, très peu de fenêtres, bref, un édifice conçu pour autre chose qu’une école. Moi-même, j’enseigne dans un sous-sol sans aucune fenêtre, où l’aération laisse à désirer. Je ne peux rien laisser sur les murs, l’endroit servant aussi comme salle d’examen. Le local, long et étroit, s’est fait baptiser le sous-marin… Le jeudi, le groupe étant plus petit, je monte dans un petit local où j’ai alors accès à deux fenêtres et un tableau blanc interactif. Yé !

Il y a vingt ans, j’enseignais dans une école totalement privée. Chaque édifice ou ajout y porte un nom d’un donateur privé. Cette coutume anglo-saxonne fait cruellemen­t défaut dans notre culture francophon­e du Québec. Il existe pourtant des bien nantis dans notre société. Ceux-ci sont des êtres, quoique ayant bien réussi financière­ment, mortels comme vous et moi. Pourquoi ne pas léguer à notre société une partie de votre héritage? Laisser quelque chose qui pourrait porter votre nom, lui assurant ainsi une pérennité. Créer un lieu incitant à la réussite, un lieu qui ferait une différence dans des centaines de vies, et ce, pour des années à venir.

Marc Martel, enseignant

Le 23 mars 2018

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