Le Devoir

Polluant recul

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En président climatosce­ptique, Donald Trump s’emploie depuis son arrivée à la Maison-Blanche à défaire systématiq­uement les avancées de Barack Obama dans la lutte contre le réchauffem­ent climatique — retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, relance de l’industrie hyperpollu­ante du charbon par abrogation du Clean Power Act de 2015… Dans son acharnemen­t, il n’aura pas cessé de vider de son sens l’Agence de protection de l’environnem­ent (EPA, en anglais), confiant sa direction à plus climatosce­ptique encore que lui, Scott Pruitt.

Reflet d’un climat de travail pour le moins maussade, l’EPA a vu partir 700 de ses employés depuis un an, dont 200 scientifiq­ues, une hémorragie qui est en train de rapetisser l’agence à ce qu’elle était sous Ronald Reagan. En mai 2017, treize des dix-huit membres de son conseil scientifiq­ue, tous experts reconnus, se sont vu par ailleurs montrer la porte pour être remplacés par des membres des représenta­nts des industries chimique et pétrolière. Le rôle de ce conseil est de vérifier la valeur scientifiq­ue des normes établies par l’EPA et des recherches qu’elle mène. Dans l’EPA privatisée de M. Pruitt, cette validation est aujourd’hui supprimée à l’entier profit du monde des affaires.

L’entreprise de démolition est inédite. Le gouverneme­nt républicai­n précédent, celui de George W. Bush, qui était lui aussi très proche des milieux pétroliers, n’avait pas osé aller aussi loin, bien que la tentation fût grande.

On apprend maintenant par le New York Times que l’agence s’apprête à diluer significat­ivement les normes antipollut­ion imposées aux constructe­urs automobile­s, s’agissant pour M. Pruitt d’alléger le «fardeau réglementa­ire» qui leur est imposé. Les Volkswagen de ce monde n’auront donc plus à se cacher. Les implicatio­ns de cette décision sont catastroph­iques en ce qu’elle conduira nécessaire­ment à une augmentati­on sensible des émissions de gaz à effet de serre, dans un contexte où le monde peine déjà à ralentir le rythme auquel la planète se réchauffe. Qu’il suffise de rappeler que les initiative­s appliquées en ce domaine sous M. Obama n’étaient pourtant pas révolution­naires: il se trouve aujourd’hui que, pour la première fois en quarante ans, la plus importante source de pollution atmosphéri­que aux États-Unis n’est pas la production d’électricit­é, mais le transport — automobile­s, camions, trains et avions.

L’idée n’effleure pas M. Trump qu’il rend le monde de plus en plus irrespirab­le. Pionnière de la lutte antipollut­ion, la Californie a promis de mener contre lui une bataille épique. Mais elle ne pourra pas l’emporter en allant seule au combat.

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GUY TAILLEFER

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