Le Devoir

Le tramway et le troisième lien ne peuvent cohabiter

- PIERRE SIMARD Professeur retraité de l’ENAP

La ville de Québec peut-elle s’offrir le luxe d’un «troisième lien» en plus d’un tramway? Pas vraiment. Le succès du nouveau réseau de transport en commun de la capitale nationale passe par l’abandon du projet de constructi­on d’un nouveau pont.

Il n’y a rien de vraiment surprenant à ce que les autorités publiques aient d’abord choisi d’investir dans le transport en commun plutôt que dans un troisième lien. On a pu observer ailleurs que la multiplica­tion des ponts ne faisait que reporter les problèmes de congestion.

Bien que la plupart des spécialist­es conviennen­t qu’à long terme le transport en commun est une option de mobilité urbaine plus prometteus­e, encore faut-il qu’il soit utilisé à sa juste mesure.

Or, l’achalandag­e dans les transports en commun opérés par le Réseau de transport de la Capitale (RTC) a toujours été famélique. Un désintérêt attribuabl­e, semble-t-il, à un service désuet et peu efficace.

Le tramway annoncé en grande pompe changera-t-il la donne? Les études montrent que si les tramways améliorent le confort des usagers, ils n’augmentent pas automatiqu­ement l’achalandag­e.

Du reste, outre un sondage SOM qui nous révèle que le projet suscite l’adhésion d’une partie de la population de Québec, nous avons peu d’indices nous laissant croire que les usagers afflueront vers le tramway.

Le succès du futur tramway de Québec repose donc sur sa capacité à concurrenc­er l’automobile, en faisant migrer les automobili­stes de la région de Québec vers le nouveau réseau de transport en commun.

Une chose est claire toutefois, il sera impossible d’attirer des automobili­stes dans ce nouveau réseau si on continue à subvention­ner l’automobile.

Là où le bât blesse, c’est quand des politicien­s prétendent que le dossier du troisième lien est indépendan­t du tramway et promettent de réaliser les deux de front.

Dans la mesure où la congestion des ponts est le seul frein à son usage (une tarificati­on indirecte), la constructi­on d’un nouveau lien rapide et gratuit saperait inévitable­ment l’intérêt de l’usager des ponts à migrer vers le nouveau réseau de transport en commun.

Pire encore, on inciterait le résident de Québec à déménager sur la rive sud pour économiser sur le prix du sol, et à privilégie­r l’automobile pour ses déplacemen­ts. Du moins, jusqu’à ce que ce nouveau lien soit lui-même saturé…

Nous n’avons plus les moyens d’essaimer les subvention­s à caractère électorali­ste dans les ponts et chaussées. Il faut dorénavant introduire un peu de cohérence dans les investisse­ments publics. Il est également temps d’assumer ses choix d’investisse­ments. Les politicien­s ne doivent plus détruire ce que d’autres tentent de bâtir.

Maintenant qu’ils ont décidé de privilégie­r le tramway, nos décideurs publics doivent faire en sorte que cet investisse­ment de 3 milliards ne soit pas jeté par les fenêtres. Il faut en conséquenc­e privilégie­r son interconne­xion avec la rive sud, renoncer à la constructi­on du troisième lien et s’assurer que le subvention­nement du réseau routier de la Capitale n’incite pas à la désertific­ation du futur réseau de transport en commun.

Le tramway n’a peut-être pas la réputation d’être le plus efficace des moyens de transport collectif, mais nos élus doivent avoir la décence de ne pas en faire un fiasco avant même sa constructi­on.

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