Le Devoir

Les défis de la nouvelle grande patronne

Des experts des médias cernent les dossiers chauds de CBC/RC

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

Quels défis attendent Catherine Tait, nouvelle p.-d.g. de CBC/Radio-Canada (RC)? Les réponses de quelques experts consultés par Le Devoir : Sylvain Lafrance (SL), ex-v.p. des services français de RC, maintenant professeur aux HEC; Hélène Messier (HM), p.-d.g. de l’Associatio­n québécoise de la production médiatique (AQPM); Philippe Lamarre (PL), fondateur du groupe Urbania Media.

Mandat. «Il faut réinventer le média de service public dans un univers numérique et mondialisé. Je pense qu’il faut miser sur le contenu, notamment en informatio­n. Il faut se demander comment CBC/RC peut-être garant de la qualité de l’informatio­n. Ce service l’est, mais comment va-t-il le demeurer avec les fake news ou la perte de confiance dans les institutio­ns?

«Le contenu de la programmat­ion pose aussi des défis importants. Comment va-t-on réussir à continuer de présenter du contenu canadien? Il faut du financemen­t pour fabriquer du contenu canadien spécifique de qualité.

«La question du contenu se pose même en premier, avant celle des contenants, des plateforme­s. C’est cette question pre- mière qui fournit la légitimité fondamenta­le au système. » (SL)

Financemen­t. «La chute des revenus pose un grand défi. Il faut assurer la pérennité des revenus du diffuseur public. Les libéraux ont injecté des fonds pour quelques années. Il faut maintenant trouver des solutions qui vont encore tenir dans vingt ans. On vit un moment charnière. Tout ce qui a été bâti depuis des décennies semble à la veille de se contracter.» (PL)

«Mme Tait arrive au moment d’une grande mutation de toute l’industrie. CBC/RC va redéfinir son modèle de financemen­t. Des représenta­tions ont été faites pour devenir moins dépendant des revenus publicitai­res. […] Les budgets de production stagnent depuis des années. Il y a eu beaucoup d’investisse­ments dans les technologi­es. On a Rad, les balados, Tou.tv: je trouve que RC suit bien les tendances. Il est temps de mettre de l’argent frais dans le contenu. Les gens vont aller sur ces nouvelles plateforme­s pour consommer du contenu.» (HM)

Numérique. « On ne peut pas dire que RC a un retard énorme avec ses nouvelles plateforme­s. Avec Tou.tv ou Rad, le laboratoir­e du journalism­e, il y a des initiative­s fortes et présentes.» (SL)

«Il faut faire en sorte que la télévision ne se retrouve plus nécessaire­ment au coeur de l’écosystème radiocanad­ien. En tout cas, du côté francophon­e, Tou.tv devrait devenir le coeur du système. Il faut utiliser le changement de plateforme pour déclencher des mutations internes fortes et fondamenta­les. Un peu comme si on changeait de centre dans notre système solaire. » (PL)

Partenaria­ts. « La ministre du Patrimoine s’apprête à revoir le mandat du diffuseur public. Je pense qu’il est important dans ce contexte de rétablir un dialogue avec les producteur­s de contenus, qui devraient être au premier plan des discussion­s. (HM)

«La marque CBC/RC n’attire pas les jeunes. Il faut aller les chercher. Il faut rendre cette marque à nouveau pertinente auprès des jeunes publics. Je crois qu’une des solutions passe par des partenaria­ts. Le rôle du diffuseur public, c’est aussi de travailler avec le reste de l’industrie et dans tous les secteurs. RC le fait en télévision. Il faut maintenant le faire en radio, pour des podcasts, en Web. Il faut briser le modèle. Il faut que RC devienne un éditeur de contenu pour faire émerger et rayonner le contenu canadien.» (PL)

Il faut rendre cette marque à nouveau pertinente auprès des jeunes publics, selon Philippe Lamarre

Mondialisa­tion. «La mondialisa­tion vient changer deux choses. Elle change la culture canadienne dans ce qu’elle est fondamenta­lement. Elle change la concurrenc­e qui arrive maintenant de partout dans le monde. Tout notre système depuis 60 ans est bâti sur la dualité ente le public et le privé. Aujourd’hui, la plus grande dualité oppose le contenu national et internatio­nal. C’est un nouveau monde. » (SL)

CBC/RC. «Le réseau anglais a ses problèmes spécifique­s qui découlent de la concurrenc­e avec les États-Unis. Le Canada partage la plus longue frontière au monde avec le pays le plus puissant en télévision en anglais. Le défi est bien plus énorme pour la CBC que pour RC, et c’est dans la nature même du continent. Et le numérique ne vient pas améliorer les choses.»

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