Le Devoir

Marc-Yvan Côté veut la récusation du juge

Nathalie Normandeau demande maintenant un procès séparé

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Nouveau rebondisse­ment dans un dossier qui n’en manque pas: à six jours de l’ouverture prévue du procès de Marc-Yvan Côté, les avocats de cet ex-ministre libéral demandent à la Cour supérieure de récuser le juge André Perreault, créant du même coup une ligne de fracture entre les accusés.

Devant la multiplica­tion des requêtes, l’exvice-première ministre Nathalie Normandeau a choisi de faire cavalier seul. Elle demandera mercredi un procès séparé, puisqu’elle souhaite que les procédures commencent «le plus rapidement possible ».

Les avocats de Marc-Yvan Côté, Mario Martel et France Michaud, de même que les accusés François Roussy et Bruno Lortie — qui se représente­nt seuls —, adoptent une tout autre stratégie.

Ils souhaitent qu’une requête en arrêt des procédures pour cause de fuites médiatique­s soit entendue avant l’ouverture du procès, prévue le 9 avril. Puisque le juge Perreault refuse d’accéder à leur demande, ils demanderon­t formelleme­nt à la Cour supérieure, vendredi, de le récuser.

En amont du procès pour fraude et abus de confiance de Marc-Yvan Côté, Nathalie Normandeau et leurs quatre coaccusés, la défense a déposé une requête en arrêt des procédures de type Babos. Celle-ci stipule que des éléments de preuve devant être débattus au procès se sont retrouvés dans les médias en raison de fuites médiatique­s, et ce, sans que le ministère public fasse quoi que ce soit pour colmater les brèches.

En clair, la défense estime que la diffusion de ces éléments de preuve — obtenus grâce à «un système de fuites orchestrée­s minutieuse­ment pour déstabilis­er le gouverneme­nt et le Parti libéral» — nuit aux droits des six coaccusés d’avoir un procès juste et équitable, et commande donc l’annulation du procès.

Sauf qu’une décision sur cette requête Babos pourrait être tributaire du témoignage de la journalist­e Marie-Maude Denis, de l’émission Enquête. Selon la défense, il est capital de connaître la source à l’origine de deux de ses reportages pour déterminer si les fuites relèvent d’une stratégie de l’État ou non. Or la journalist­e s’oppose faroucheme­nt à la divulgatio­n de ses sources.

Une première décision, rendue par le juge Perreault, a donné raison à la journalist­e. Un second jugement, rendu le 22 mars, a cependant infirmé la première décision. L’affaire a été portée en appel. Elle pourrait bien cheminer jusqu’en Cour suprême.

Dans l’intermède, rien ne sert de donner le feu vert au procès, plaident les avocats de Marc-Yvan Côté et consorts. Dès la semaine dernière, ils ont tenté de faire valoir «qu’il conviendra­it de disposer d’abord de la requête Babos, et donc de procéder à l’interrogat­oire de Mme Denis, avant la tenue du procès». Le juge Perreault ne s’est pas rangé à leurs arguments, en soulignant que le témoignage de la journalist­e «ne portait pas sur l’innocence des accusés». En cela, le magistrat de la Cour du Québec a implicitem­ent déclaré que la requête en arrêt des procédures était mal fondée, estime la défense. Sa conduite, écrivent-ils, « prive les [accusés] d’un procès juste et équitable », d’autant que la «logique» commande selon eux qu’une requête en arrêt des procédures soit entendue avant l’ouverture d’un procès.

L’avocat de Nathalie Normandeau, Maxime Roy, n’a pas joint son nom à la requête. S’il comprend les «raisons juridiques» derrière la demande, il dit néanmoins ne pas partager les conclusion­s recherchée­s. «Ce qui est le plus important pour nous, c’est que le procès commence le plus rapidement possible. On a confiance qu’elle [Nathalie Normandeau] n’a pas commis de crime », a-t-il déclaré au Devoir.

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