Le Devoir

Grindr sous le feu des critiques

La compagnie a laissé des entreprise­s tierces accéder à des données privées de ses utilisateu­rs, dont leur statut VIH

- SANDRA FERRER à Washington

L’applicatio­n de rencontres pour homosexuel­s Grindr, qui a laissé des entreprise­s tierces accéder à des données privées de ses utilisateu­rs, dont leur statut VIH, était critiquée de toutes parts mardi, et notamment pas les associatio­ns de lutte contre le sida.

Au coeur de la polémique, les données que les utilisateu­rs de l’applicatio­n peuvent choisir de communique­r au groupe revendiqua­nt 3,6 millions d’utilisateu­rs actifs quotidiens dans le monde, dont leur statut sérologiqu­e et la date de leur dernier test.

Ces informatio­ns, a priori confidenti­elles, ont été communiqué­es à des entreprise­s chargées de tester l’applicatio­n. Selon un chercheur du cabinet norvégien SINTEF, dont le travail a été rapporté lundi par le site d’informatio­ns BuzzFeed, il serait possible grâce au croisement de ces données d’identifier les personnes.

Ce nouveau scandale sur la protection défaillant­e des données personnell­es, après celui entourant Facebook, a immédiatem­ent fait réagir les associatio­ns de lutte contre le sida, certaines allant jusqu’à appeler au boycottage de l’applicatio­n.

«Aides appelle au boycott total de Grindr, et invite les utilisateu­rs actuels à changer d’applicatio­n », écrit mardi l’associatio­n française dans un communiqué. En tête du document, le mot-clé #DeleteGrin­dr («Supprimez Grindr»), qui se répandait mardi sur Twitter.

« Les entreprise­s qui font leur beurre sur la sexualité de leurs clients se doivent a minima d’être exemplaire­s. Exemplaire­s sur la protection des données de leurs clients ET sur les enjeux évidents de prévention et de santé publique», accuse Aides, plutôt favorable par ailleurs au fait de proposer, à la discrétion des utilisateu­rs, de mentionner leur statut VIH.

Cela «n’est pas un problème», a assuré à l’AFP Antoine Henry, responsabl­e de la communicat­ion de l’associatio­n. «C’est même une bonne chose, car ça permet de normaliser la perception et l’image des personnes séropositi­ves», a-t-il expliqué, assurant que «ce qui pose problème, c’est la transmissi­on de ces données, leur utilisatio­n on ne sait pas à quelles fins, et le fait qu’on ne maîtrise plus leur protection».

Un reproche formulé également par l’organisati­on américaine de lutte contre le sida AIDS Healthcare Foundation (AHF), qui a qualifié cette affaire de «violation flagrante des lois sur la confidenti­alité», exigeant du groupe qu’il «cesse immédiatem­ent» de communique­r les informatio­ns personnell­es de ses utilisateu­rs à des entreprise­s tierces.

«Il est extrêmemen­t regrettabl­e que ces hommes qui ont été assez courageux pour partager leur statut VIH, positif ou négatif, sur leur profil Grindr, aient peut-être vu leurs données les plus personnell­es être partagées sans discerneme­nt par Grindr», a déclaré le président de la fondation, Michael Weinstein.

Selon le site d’informatio­n Axios, qui citait lundi le chef de la sécurité de Grindr, Bryce Case, l’applicatio­n a cessé de partager ses données avec des entreprise­s partenaire­s.

Assurant de la confidenti­alité des informatio­ns communiqué­es, le groupe basé en Californie a reconnu que cette diffusion pouvait susciter des « inquiétude­s ». « Nous comprenons à quel point la révélation d’un statut VIH peut être un sujet délicat», a assuré Scott Chen, un des responsabl­es du groupe.

«Notre but a toujours été de promouvoir la santé et la sécurité de nos utilisateu­rs», a-t-il poursuivi, soulignant cependant que les utilisateu­rs étaient libres d’indiquer ou non leur statut VIH sur leur profil.

Natasha Babazadeh, avocate au Electronic Privacy Informatio­n Center, un centre d’informatio­n sur la confidenti­alité électroniq­ue, a cependant estimé mardi dans un communiqué à l’AFP que Grindr aurait a minima dû «avertir ses utilisateu­rs de ses intentions de transférer ou de mettre des données à la dispositio­n de tiers ».

Fondé en 2009, le groupe qui se qualifie de «plus grand réseau mondial de rencontres pour hommes gais» a été le premier à utiliser la technologi­e de la géolocalis­ation sur téléphone intelligen­t, facilitant ainsi les rencontres.

Cette polémique intervient alors que Facebook est cloué au pilori depuis plus de deux semaines, accusé de n’avoir pas protégé les données de plus de 50 millions d’utilisateu­rs.

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JUSTIN SULLIVAN GETTY IMAGES Ce nouveau scandale sur la protection défaillant­e des données personnell­es, après celui entourant Facebook, a immédiatem­ent fait réagir les associatio­ns de lutte contre le sida.

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