Le Devoir

Lula à 24 heures de la prison

- PAULA RAMON à São Paulo

Le juge anticorrup­tion Sergio Moro a lancé jeudi un mandat de dépôt contre l’exprésiden­t brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, qui devra se présenter aux autorités d’ici vendredi après-midi.

«Au vu de la fonction qu’il a occupée, il aura la possibilit­é de se présenter volontaire­ment à la police fédérale de Curitiba jusqu’à 17h00 (heure locale) le 6 avril », a indiqué le juge Moro dans le mandat que l’AFP a pu consulter.

Lula se trouvait jeudi à Sao Paulo, à environ 400 km de Curitiba, ville où est basé Sergio Moro, qui avait condamné Lula en première instance en juillet, un jugement confirmé en appel à la mi-janvier.

Luiz Inácio Lula da Silva, 72 ans, devra purger une peine de 12 ans et un mois de prison pour avoir reçu un luxueux appartemen­t en bord de mer de la part d’une entreprise de bâtiment en échange de faveurs dans l’obtention de marchés publics.

L’ex-président (2003-2010) nie faroucheme­nt cette accusation, invoquant l’absence de preuves et dénonçant un complot visant à l’empêcher de briguer un troisième mandat, huit ans après avoir quitté le pouvoir avec une popularité record.

Peu après l’annonce du mandat de dépôt, le Parti des Travailleu­rs (PT), fondé par Lula dans les années 1980, a annoncé une «mobilisati­on générale» contre son incarcérat­ion.

Quelques heures plus tôt, Gleisi Hoffmann, présidente du PT, avait affirmé lors d’une réunion du parti que l’ancien ouvrier métallurgi­ste était «serein» malgré sa défaite devant la Cour suprême.

L’ex-président espérait obtenir un habeas corpus de la part de la Cour suprême pour rester en liberté jusqu’à l’épuisement de tous les recours, mais il n’a pas obtenu gain de cause.

À l’issue de plus de 10 heures de débats passionnés, la plus haute juridictio­n du pays a rejeté sa demande par six voix contre cinq, un résultat à l’image d’un Brésil profondéme­nt divisé.

Décision politique

«Il s’agit d’une décision politique, qui enfreint le droit constituti­onnel et la présomptio­n d’innocence. Le Brésil fait figure de république bananière», a ajouté Gleisi Hoffmann.

Situation ubuesque: Lula peut même faire campagne derrière les barreaux. Mais la loi de «Ficha Limpa» (casier propre) le rend en théorie inéligible au vu de sa condamnati­on en appel.

Toutefois, sa candidatur­e ne sera analysée formelleme­nt qu’en septembre par la justice électorale, et ses avocats ont l’intention de multiplier les recours d’ici là.

«Le peuple brésilien a le droit de voter pour Lula, le candidat de l’espérance. Sa candidatur­e sera défendue dans les rues et dans toutes les instances, jusqu’aux dernières conséquenc­es», a prévenu sur Twitter le PT, quelques minutes après la décision de la Cour suprême.

Selon les analystes, sa candidatur­e a de grandes chances d’être invalidée par la justice électorale, mais la stratégie du PT est de surfer sur l’émoi que suscite son incarcérat­ion pour qu’ensuite le «Plan B», un autre membre du parti, bénéficie du report de voix.

«Si Lula pouvait être candidat, il arriverait automatiqu­ement au second tour. Avec l’avance qu’il a dans les sondages, il aurait été très peu probable qu’il n’y soit pas. Mais sans Lula, le jeu est ouvert», estime Michael Mohallem.

Dans ce pays qui a vécu sous le joug de la dictature militaire de 1964 à 1985, c’est le député d’extrême droite Jair Bolsonaro, grand nostalgiqu­e de cette époque, qui arrive derrière Lula dans les intentions de vote.

«Le Brésil a marqué un but contre l’impunité et la corruption, mais ce n’est qu’un but, l’ennemi n’est pas encore vaincu», a-t-il déclaré dans une vidéo sur YouTube, appelant à élire en octobre un président « qui est honnête ».

À gauche, Juliano Medeiros, le président du Parti Socialisme et Liberté (PSOL), la formation de Marielle Franco, élue noire abattue en mars, a critiqué la décision et appelé à «la formation d’un front démocratiq­ue contre l’escalade de l’autoritari­sme et la violence ».

Newspapers in French

Newspapers from Canada