Le Devoir

Nouveau rebondisse­ment dans le conflit Brésil-Canada à l’OMC

Le responsabl­e de la collecte de données s’estime incapable de réaliser son mandat

- FRANÇOIS DESJARDINS

La personne chargée de «faciliter» la collecte de renseignem­ents dans le cadre de la plainte du Brésil contre le Canada, à l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC), s’estime incapable de réaliser son mandat.

Dans une lettre publiée mercredi sur le site de l’OMC, qui doit se pencher sur une plainte brésilienn­e au sujet des appuis gouverneme­ntaux et de l’industrie aéronautiq­ue, le facilitate­ur dit avoir pris cette décision «après avoir consulté les parties». Il cite les objections soulevées par le Canada au mois d’octobre 2017.

Chargé essentiell­ement de poser des questions au gouverneme­nt visé par la plainte et de colliger des données dans les pays tiers, le responsabl­e de la collecte des renseignem­ents a été nommé le 23 octobre 2017 par l’Organe de règlement des différends de l’OMC, où les deux pays ont déjà croisé le fer dans le passé sur la question des avions commerciau­x.

Or, dès le lendemain, le Canada a contesté certains aspects du processus et demandé à un comité spécial de trancher. Entre autres, le Canada a estimé que les allégation­s du Brésil ne suffisaien­t pas pour déclencher le processus d’examen décrit àl’«Annexe V ».

Le facilitate­ur a noté dans sa lettre que «la compositio­n du groupe spécial a été arrêtée le 6 février 2018 seulement, c’està-dire plus de trois mois après la désignatio­n du facilitate­ur », et «qu’il faudra au groupe spécial plus de temps pour rendre sa décision préliminai­re ». Il se dit coincé.

« En suspendant le processus de collecte de renseignem­ents, j’aurais compromis la «collecte en temps utile des renseignem­ents». […] Toutefois, si je n’accède pas à la demande et que le défendeur [le Canada] maintient sa position», il pourrait en résulter le manque d’une «partie cruciale des renseignem­ents nécessaire­s pour que l’examen ultérieur du différend puisse avoir lieu rapidement », écrit le facilitate­ur.

«En gros, le facilitate­ur doit essayer d’établir si le Brésil a subi un préjudice grave», a expliqué Richard Ouellet, professeur de droit internatio­nal économique à l’Université Laval. «Ce qu’il dit, c’est: “Je suis incapable de faire mon travail parce que le Canada ne le veut pas, tant que le groupe spécial n’a pas dit si la plainte peut porter sur le préjudice grave.” »

Beaucoup de pierres restent à être soulevées à l’OMC, et «le Canada en soulève beaucoup», mais l’argumentai­re du Canada, bien qu’inhabituel selon M. Ouellet, «n’est pas illogique». Le résultat a pour effet de ralentir le processus, a-til ajouté. Geneviève Dufour, professeur­e à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, a elle aussi jugé «anormale» la demande du Canada.

Vieilles batailles

Le Canada et le Brésil se sont souvent affrontés au sujet des appuis gouverneme­ntaux accordés à leurs avionneurs respectifs, soit Bombardier et Embraer. L’OMC a d’ailleurs jugé au début des années 2000 que le programme ProEx du Brésil, qui visait à consentir des prêts aux clients d’Embraer, n’était rien d’autre qu’un programme de subvention­s. À l’époque, le meilleur vendeur de Bombardier était le CRJ.

À la fin de septembre 2017, quand l’OMC a accepté de se pencher de nouveau sur la question aéronautiq­ue, Embraer a affirmé que Bombardier «a reçu des subvention­s qui lui ont permis de vendre ses avions à des prix artificiel­lement bas», faisant référence au programme CSeries. «Les conditions doivent redevenir équitables», a affirmé le chef de la direction d’Embraer, Paul Cesar Silva.

Depuis, les droits compensate­urs et antidumpin­g que souhaitait imposer le départemen­t américain du Commerce, à la suite d’une plainte de Boeing, ont tous été invalidés par la Commission internatio­nale du commerce des États-Unis (USITC).

 ?? YASUYOSHI CHIBA AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le Canada et le Brésil se sont souvent affrontés au sujet des appuis gouverneme­ntaux accordés à leurs avionneurs respectifs, soit Bombardier et Embraer.
YASUYOSHI CHIBA AGENCE FRANCE-PRESSE Le Canada et le Brésil se sont souvent affrontés au sujet des appuis gouverneme­ntaux accordés à leurs avionneurs respectifs, soit Bombardier et Embraer.

Newspapers in French

Newspapers from Canada