Nouveau rebondissement dans le conflit Brésil-Canada à l’OMC
Le responsable de la collecte de données s’estime incapable de réaliser son mandat
La personne chargée de «faciliter» la collecte de renseignements dans le cadre de la plainte du Brésil contre le Canada, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’estime incapable de réaliser son mandat.
Dans une lettre publiée mercredi sur le site de l’OMC, qui doit se pencher sur une plainte brésilienne au sujet des appuis gouvernementaux et de l’industrie aéronautique, le facilitateur dit avoir pris cette décision «après avoir consulté les parties». Il cite les objections soulevées par le Canada au mois d’octobre 2017.
Chargé essentiellement de poser des questions au gouvernement visé par la plainte et de colliger des données dans les pays tiers, le responsable de la collecte des renseignements a été nommé le 23 octobre 2017 par l’Organe de règlement des différends de l’OMC, où les deux pays ont déjà croisé le fer dans le passé sur la question des avions commerciaux.
Or, dès le lendemain, le Canada a contesté certains aspects du processus et demandé à un comité spécial de trancher. Entre autres, le Canada a estimé que les allégations du Brésil ne suffisaient pas pour déclencher le processus d’examen décrit àl’«Annexe V ».
Le facilitateur a noté dans sa lettre que «la composition du groupe spécial a été arrêtée le 6 février 2018 seulement, c’està-dire plus de trois mois après la désignation du facilitateur », et «qu’il faudra au groupe spécial plus de temps pour rendre sa décision préliminaire ». Il se dit coincé.
« En suspendant le processus de collecte de renseignements, j’aurais compromis la «collecte en temps utile des renseignements». […] Toutefois, si je n’accède pas à la demande et que le défendeur [le Canada] maintient sa position», il pourrait en résulter le manque d’une «partie cruciale des renseignements nécessaires pour que l’examen ultérieur du différend puisse avoir lieu rapidement », écrit le facilitateur.
«En gros, le facilitateur doit essayer d’établir si le Brésil a subi un préjudice grave», a expliqué Richard Ouellet, professeur de droit international économique à l’Université Laval. «Ce qu’il dit, c’est: “Je suis incapable de faire mon travail parce que le Canada ne le veut pas, tant que le groupe spécial n’a pas dit si la plainte peut porter sur le préjudice grave.” »
Beaucoup de pierres restent à être soulevées à l’OMC, et «le Canada en soulève beaucoup», mais l’argumentaire du Canada, bien qu’inhabituel selon M. Ouellet, «n’est pas illogique». Le résultat a pour effet de ralentir le processus, a-til ajouté. Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, a elle aussi jugé «anormale» la demande du Canada.
Vieilles batailles
Le Canada et le Brésil se sont souvent affrontés au sujet des appuis gouvernementaux accordés à leurs avionneurs respectifs, soit Bombardier et Embraer. L’OMC a d’ailleurs jugé au début des années 2000 que le programme ProEx du Brésil, qui visait à consentir des prêts aux clients d’Embraer, n’était rien d’autre qu’un programme de subventions. À l’époque, le meilleur vendeur de Bombardier était le CRJ.
À la fin de septembre 2017, quand l’OMC a accepté de se pencher de nouveau sur la question aéronautique, Embraer a affirmé que Bombardier «a reçu des subventions qui lui ont permis de vendre ses avions à des prix artificiellement bas», faisant référence au programme CSeries. «Les conditions doivent redevenir équitables», a affirmé le chef de la direction d’Embraer, Paul Cesar Silva.
Depuis, les droits compensateurs et antidumping que souhaitait imposer le département américain du Commerce, à la suite d’une plainte de Boeing, ont tous été invalidés par la Commission internationale du commerce des États-Unis (USITC).