Le Devoir

Manger bio et québécois, ici et ailleurs

La nouvelle politique bioaliment­aire n’a pas les moyens de ses ambitions, dit l’UPA

- KARL RETTINO-PARAZELLI

La nouvelle Politique bioaliment­aire présentée vendredi par le gouverneme­nt Couillard à six mois des élections provincial­es veut plus que jamais rapprocher les producteur­s et les consommate­urs québécois. Si cette politique propose une vision largement saluée, elle n’a pas les moyens de ses ambitions, déplore l’Union des producteur­s agricoles (UPA).

Après deux ans de travaux et de consultati­ons, le monde agricole a accueilli avec enthousias­me les objectifs de la nouvelle politique dévoilée dans la boutique d’une ferme de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot. Ce document donne priorité notamment à la mise en valeur des produits québécois, à l’agricultur­e biologique et à l’accroissem­ent des exportatio­ns. Le président de l’UPA, Marcel Groleau, estime toutefois que sa mise en oeuvre pourrait s’avérer difficile.

«Ça faisait longtemps qu’on demandait une politique agroalimen­taire qui met à contributi­on l’ensemble des ministères du gouverneme­nt touchés par le secteur agricole […]. C’est une bonne nouvelle, on a cette politiquel­à, a-t-il déclaré vendredi. Maintenant, le soutien pour arriver à répondre à ces attentes-là des consommate­urs, sur cinq ans, selon moi, ce ne sera pas suffisant.»

Trop peu

La Politique bioaliment­aire 2018-2025 reprend essentiell­ement les mesures annoncées dans le dernier budget pour le secteur bioaliment­aire. Au total, ce budget prévoit des investisse­ments supplément­aires de 349 millions d’ici 2022-2023.

Le gouverneme­nt Couillard affirme qu’en ajoutant les investisse­ments annoncés par le passé et l’apport du gouverneme­nt fédéral, sa politique sera dotée de 5 milliards de dollars sur cinq ans.

« On parle de 350 millions supplément­aires sur cinq ans, pour un secteur qui met en marché 8,2 milliards de dollars par année de produits agricoles. C’est mieux que l’an dernier, mais c’est somme toute des investisse­ments relativeme­nt

mineurs par rapport à d’autres secteurs d’activités», a fait remarquer M. Groleau.

De son côté, le président de l’Union paysanne, Maxime Laplante, ne voit pas comment le gouverneme­nt parviendra à atteindre ses cibles. «On continue exactement dans la même veine, dit-il. Il y a un peu plus d’argent et quelques éléments intéressan­ts, mais on conserve la mainmise de l’UPA», déplore-t-il.

Quatre orientatio­ns

La nouvelle Politique bioaliment­aire, dont l’objectif est de guider les actions gouverneme­ntales d’ici 2025, se décline en quatre grandes orientatio­ns. La première met l’accent sur l’offre de produits «répondant

aux besoins des consommate­urs ». Québec veut notamment valoriser les produits bioaliment­aires québécois avec des marques distinctiv­es et de nouvelles appellatio­ns réservées. Il entend également soutenir le développem­ent des marchés extérieurs, avec l’objectif de faire passer de 8 à 14 milliards de dollars la valeur des exportatio­ns bioaliment­aires internatio­nales du Québec.

«Ce n’est pas un autre monde, le monde rural, a souligné le premier ministre Philippe Couillard en conférence de presse. Vous l’avez chez vous chaque jour, même si vous ne vous en rendez pas compte.»

Le document évoque aussi l’importance de promouvoir une saine alimentati­on, ce qui représente un « changement de cap », selon la directrice de la Coalition québécoise sur la problémati­que du poids, Corinne Voyer.

Projet de loi à venir

Les trois autres orientatio­ns englobent le développem­ent des entreprise­s, le respect de l’environnem­ent et le développem­ent du territoire. Les plus importante­s sommes annoncées dans le budget 2018-2019 sont consacrées aux investisse­ments dans les production­s agricoles (100 millions supplément­aires sur cinq ans) et en transforma­tion alimentair­e (75 millions sur cinq ans).

Un projet de loi permettant de pérenniser cette politique bioaliment­aire sera déposé sous peu par le ministre de l’Agricultur­e, Laurent Lessard, qui a bon espoir de compter sur l’appui des partis d’opposition pour l’adopter avant les prochaines élections générales d’octobre. Le gouverneme­nt compte par ailleurs tenir des «assises annuelles» avec le milieu bioaliment­aire, avec une première rencontre prévue en avril 2019.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le premier ministre Philippe Couillard lors de l’annonce de la nouvelle politique bioaliment­aire.

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