Le Devoir

Les façons de percevoir la TVQ ne sont pas nombreuses

Pour l’instant, l’intercepti­on douanière demeure l’option numéro un, disent des experts

- FRANÇOIS DESJARDINS

A u lieu de se concentrer sur les efforts douaniers, faudrait-il plutôt demander aux sociétés de services financiers de percevoir la TVQ sur les biens achetés auprès de fournisseu­rs étrangers? Cette idée comporte son propre lot de problèmes, selon des experts en fiscalité.

Devant la popularité grandissan­te du commerce en ligne et l’insuffisan­ce actuelle des moyens pour récolter la taxe de vente, Québec a récemment annoncé un projet-pilote avec l’Agence des services frontalier­s du Canada afin d’améliorer la capacité du traitement au centre de tri de Postes Canada à Montréal.

«Est-ce que le système est parfait? Vraiment pas. Mais je ne suis pas sûr qu’une façon de faire différente puisse être implantée à ce stade-ci», a dit en entrevue Mario Seyer, associé responsabl­e des services en taxes à la consommati­on chez PwC.

Puisque seulement 10% des colis sont intercepté­s pour la perception de la TVQ, Québec perd environ 158 millions, selon le budget du ministre Carlos Leitão déposé le 27 mars. Le Conseil québécois du commerce de détail, tout en saluant le désir de Québec de promouvoir l’équité fiscale, a estimé qu’il fallait plutôt envisager l’imposition de la TVQ au moment de la transactio­n.

Plusieurs entités

Si l’on demandait à une autre entité de percevoir la taxe, par exemple une banque ou une société de carte de crédit, les choses pourraient se compliquer, selon M. Seyer. « Il n’y a pas que Visa, par exemple, qui soit concernée. Il y a d’autres intermédia­ires dans la série de transactio­ns. Si on voulait imposer ce fardeau à un intermédia­ire, il faudrait d’abord savoir lequel. Ensuite, a-t-il les informatio­ns requises pour appliquer les taxes correcteme­nt?»

Aux yeux de M. Seyer, «déplacer l’obligation de perception d’une personne dont le rôle a historique­ment été strictemen­t financier pour amener ça à un contrôle fiscal, ce n’est pas facile ni évident».

Il a été impossible d’obtenir l’avis de l’Associatio­n des banquiers canadiens.

D’autres experts ont indiqué au Devoir depuis le budget que le système de perception actuel — à travers les services douaniers et la société qui s’occupe de l’importatio­n du colis — reste pour l’instant la meilleure option. Quand Québec a fait l’annonce du projet-pilote avec les services frontalier­s et Postes Canada, il a mentionné qu’il suivait alors les lignes directrice­s générales de l’OCDE, qui se penche sur la question depuis des années.

Une autre façon consistera­it à conclure une entente avec des fournisseu­rs étrangers — un peu comme ce que Québec a fait avec Airbnb —, mais cela entraînera­it un autre lot de problèmes, selon Allison Christians, titulaire de la Chaire H. Heward Stikeman en droit fiscal à l’Université McGill. «Si vous faites ça, ensuite il faut une entente avec tous les fournisseu­rs étrangers qui vendent des biens chez vous. Si vous le faites avec Amazon, c’est bien, mais il faudra le faire entreprise par entreprise», a-t-elle dit. Hormis l’idée de concentrer les efforts sur la douane, «je ne vois pas vraiment d’autres bonnes méthodes», dit-elle. Cela dit, elle trouverait quand même pertinent que Québec entame un dialogue avec Amazon.

Si les produits «incorporel­s» et les services sont l’affaire d’une poignée de gros joueurs, a affirmé Québec la semaine dernière, la vente de biens physiques «implique de nombreux commerces de toutes tailles dans un grand nombre de pays».

Et si l’on se tournait vers les intermédia­ires de paiement, dit Mme Christians, l’entièreté de l’informatio­n ne serait peut-être pas accessible. Il faudrait soit leur dire de percevoir tout le temps, soit leur donner des instructio­ns très précises. «Les banques n’ont probableme­nt pas le goût de s’occuper de ça.» Et n’ont peut-être pas le goût, ajoute-t-elle, de voir des clients affirmer qu’ils ne se trouvaient pas dans la province au moment de faire l’achat.

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CHRIS YOUNG LA PRESSE CANADIENNE Seulement 10% des colis sont intercepté­s pour la perception de la TVQ.

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