Le Devoir

Michel David

sur la refondatio­n du Bloc québécois

- MICHEL DAVID

Il y a beaucoup de vérité dans les constats des promoteurs d’une «refondatio­n» du Bloc québécois, même si leur propositio­n risque de faire long feu. Il est difficile de nier que la crise actuelle nécessite des «actions structurel­les» et que les militants ont «un profond besoin de consultati­on et d’espoir dans le futur ».

Il est également vrai que le paysage politique a bien changé depuis la création du Bloc, alors que le Parti québécois était le chef incontesté de la famille souveraini­ste et que le référendum n’avait encore rien d’un mirage. Le PQ peine tout autant à s’adapter au nouveau contexte.

Si le Bloc se cherche manifestem­ent une nouvelle raison d’être, sa vice-présidente, Kédina Fleury-Samson, y est allée d’une suggestion pour le moins étonnante. Alors que les partisans d’une promotion exclusive de l’indépendan­ce et les défenseurs des intérêts du Québec s’entredéchi­rent depuis des semaines, voilà qu’elle évoque la possibilit­é qu’il assure une présence dans les communauté­s francophon­es hors Québec, où les indépendan­tistes n’ont pas la réputation d’être particuliè­rement nombreux.

Plusieurs croient que le Bloc devrait se saborder définitive­ment plutôt que d’investir temps et énergie dans un rafistolag­e qui ne peut que retarder l’inévitable fin, peu importe qu’il change de nom et de plateforme. Il appartiend­ra toutefois à la population de décider de son sort à l’élection fédérale de l’automne 2019. S’il réussit à tenir jusque-là.

L’auteure de la propositio­n de «refondatio­n», Camille Goyette-Gingras, présidente du Forum jeunesse du Bloc, assure avoir commencé à y réfléchir avant que n’éclate la crise liée au leadership de Martine Ouellet, mais il est peu de dire qu’elle est devenue une partie importante du problème.

«Martine Ouellet a échoué, même si elle avait l’expérience, la compétence et la déterminat­ion», reconnaît-on dans la propositio­n. Dès lors, comment peut-il être envisageab­le qu’elle soit candidate à sa propre succession lors de la course à la chefferie qui précéderai­t le congrès de refondatio­n prévu pour décembre 2018?

Le député de Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères, Xavier Barsalou-Duval, partisan inconditio­nnel de

Mme Ouellet, soutient que la propositio­n «n’est pas liée au leadership ». À l’opposé, son collègue de Bécancour-Nicolet-Saurel, Louis Plamondon, le doyen des sept députés qui ont claqué la porte en février dernier, estime qu’elle ne réclame pas le départ de Mme Ouellet de façon suffisamme­nt claire.

Si le sort de Mme Ouellet n’est pas tranché une fois pour toutes, que ce soit dès le conseil général du 29 avril ou lors du référendum interne des 1er et 2 juin, le débat sur la refondatio­n risque simplement de prolonger la crise.

La chef du Bloc, qui donne de plus en plus l’impression de vivre sur une autre planète, a balayé du revers de la main une propositio­n qui a été faite «en dehors des instances», préférant se concentrer sur la «propositio­n principale» qui sera présentée au congrès de… 2019.

Le titre du document, Pour faire du Québec une république, traduit parfaiteme­nt son esprit. En attendant que cela soit chose faite, le Bloc sera le «chien de garde» des intérêts du Québec, mais on s’attarde beaucoup plus longuement sur les modalités d’accession à la souveraine­té et les orientatio­ns du futur pays que sur les priorités d’action du Bloc dans le cadre constituti­onnel actuel.

Même si on reconnaît que seul un gouverneme­nt souveraini­ste élu à l’Assemblée nationale pourra déclencher le processus menant à l’indépendan­ce, le futur programme du Bloc est bâti à l’inverse de celui du PQ, où les politiques d’un «bon gouverneme­nt» provincial occupent nettement plus d’espace que ce que permettrai­t un Québec indépendan­t.

S’il est vrai que le Bloc joue son avenir, le PQ joue non seulement le sien, mais celui de l’ensemble du mouvement souveraini­ste

Le calendrier de la « refondatio­n » prévoit une pause durant la compagne électorale au Québec, mais il est bien évident que la mobilisati­on des troupes souveraini­stes va être sonnée bien avant son déclenchem­ent.

S’il est vrai que le Bloc joue son avenir, le PQ joue non seulement le sien, mais celui de l’ensemble du mouvement souveraini­ste. Au cours des prochains mois, l’échéance du 1er octobre monopolise­ra toutes les énergies.

Le congrès de «refondatio­n» entend réunir non seulement les membres du Bloc, mais aussi ceux du PQ et de Québec solidaire. Il est cependant à craindre que la campagne n’améliore pas les relations entre péquistes et solidaires, qui sont déjà exécrables depuis que QS a rejeté toute collaborat­ion avec le PQ en le traitant de tous les noms. La réconcilia­tion ne sera pas chose aisée.

Au lendemain de l’élection, le sort du Bloc pourrait d’ailleurs être le cadet des soucis des militants péquistes. Personne ne peut savoir dans quel état se retrouvera le PQ, mais plusieurs commencent à se demander si ce n’est pas lui qu’il faudrait refonder.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada