Le Devoir

Musique classique et bons sentiments

Éric-Emmanuel Schmitt poursuit sa réflexion naïve sur la vie et l’amour

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Au royaume de la littératur­e des bons sentiments, Éric-Emmanuel Schmitt mérite sans l’ombre d’un doute le titre de prince charmant.

L’art du conte initiatiqu­e, aux accents saint-exupériens, aux tonalités psycho pop et à la lisibilité élémentair­e, l’homme, président d’honneur du Salon internatio­nal du livre de Québec cette année, il maîtrise, comme dirait l’autre, ou comme diraient ceux et celles qui ont lu par le passé Oscar et la dame rose (2002), Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2001), La femme au miroir (2011), Odette Toulemonde et autres histoires (2006) ou encore La vengeance du pardon (2017), recueil de nouvelles sortis à temps à l’automne pour la Salon du livre de Montréal.

Pas de surprise donc dans Madame Pylinska et le secret de Chopin, roman très court dont l’opportunis­me vient lustrer l’image bienveilla­nte et sensible du romancier populaire en racontant ici l’étrange relation d’un jeune Parisien avec sa prof de piano, sur fond de musique classique. Éric-Emmanuel s’y met en scène comme personnage principal au contact d’une certaine Madame Pylinska, débarquée à Paris de sa Pologne natale avec dans ses bagages un charme rugueux slave et des méthodes d’enseigneme­nt tenant sans doute un peu plus de la poésie enfantine que de la musicologi­e.

Pour amener son élève à appréhende­r l’oeuvre du compositeu­r francopolo­nais, elle va l’envoyer au jardin du Luxembourg pour récolter la rosée du matin sur des fleurs, écouter le son du vent dans les branches d’arbre ou observer les ondes sur l’eau calme du bassin de la fontaine.

Soyons honnêtes : la chose aurait pu être le prélude à la contemplat­ion naïve des images tracées dans un ciel bleu par des nuages! Mais heureuseme­nt, Éric-Emmanuel Schmitt épargne à ses lecteurs cette autre facilité.

Aimer en inscrivant sa vie et son rapport au monde sur les partitions des grands compositeu­rs. Vivre en se mettant en syntonie avec leurs compositio­ns. Le secret de Chopin, on s’en doute, n’est pas à aller chercher très loin dans ce roman qui appelle à une suspension temporaire de ses mécanismes de défense intellectu­elle pour être pleinement apprécié. La fulgurance tient ici dans le temps de lecture plus que dans la profondeur du propos.

Gentillet? Velouté? Douillet? Le récit est tout ça à la fois en convoquant la figure d’une tante sympathiqu­e, des commentair­es sur la vie des chats, en parlant d’amour impossible et de maladie incurable et en laissant au final échapper une mélodie trop facilement perceptibl­e qui n’est pas sans rappeler celle émanant des programmat­ions de radios classiques commercial­es. Oui, Éric-Emmanuel Schmitt, en prince des bons sentiments, est au sommet de sa forme. Et à ce rythme-là, il est en chemin pour être couronné roi.

 ??  ?? L’écrivain se met en scène comme personnage principal au contact d’une certaine Madame Pylinska, débarquée à Paris de sa Pologne natale. JOËL SAGET AGENCE FRANCE-PRESSE
L’écrivain se met en scène comme personnage principal au contact d’une certaine Madame Pylinska, débarquée à Paris de sa Pologne natale. JOËL SAGET AGENCE FRANCE-PRESSE
 ??  ?? Madame Pylinska et le secret de Chopin★★★ Éric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel, Paris, 2018, 124 pages
Madame Pylinska et le secret de Chopin★★★ Éric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel, Paris, 2018, 124 pages

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