Le Devoir

Prôner une intelligen­ce artificiel­le responsabl­e

- ETIENNE PLAMONDON EMOND

Orienter les travaux de recherche en intelligen­ce artificiel­le vers le bien commun : voilà l’objectif affiché par le regroupeme­nt de recherches HumanIA. Pour l’une de ses coordonnat­rices, la professeur­e au Départemen­t d’informatiq­ue de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Marie-Jean Meurs, la clé pour y arriver réside dans les collaborat­ions entre les différente­s discipline­s.

Pour prendre en considérat­ion les enjeux éthiques qui émergent de l’intelligen­ce artificiel­le, Marie-Jean Meurs travaille, dès qu’elle démarre des projets de recherche, avec des juristes, des philosophe­s et des éthiciens. «Je pourrais faire des mathématiq­ues appliquées et de l’informatiq­ue théorique, déléguer la dimension éthique à mes collègues et ne pas m’en préoccuper, en me disant que je fabrique de jolis moteurs, puis que les autres vont décider du contexte éthique dans lequel ils les utilisent.» Mais cela ne lui ressemble pas. Depuis le début de sa carrière, sa démarche a pris un virage fort différent. «Il se trouve que mon intérêt de recherche, en intelligen­ce artificiel­le, c’est vraiment dans le cadre d’une recherche multidisci­plinaire, où je préfère partir des problèmes, puis sélectionn­er des approches d’intelligen­ce artificiel­le qui vont s’adapter, pour le mieux, aux problèmes qu’on rencontre. Dans cette démarche, la collaborat­ion entre les discipline­s m’apparaît indispensa­ble.» Cette démarche permet notamment de respecter ou de répondre à des principes éthiques dès la conception d’un algorithme, d’une base de données ou de tout autre outil technologi­que.

Le projet de recherche Legalia, qu’elle dirige avec Hugo Cyr, doyen de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, et Sebastien Gambs, professeur au Départemen­t d’informatiq­ue de l’UQAM, est révélateur. Avec comme objectif de développer une éthique de l’intelligen­ce artificiel­le dans les domaines du droit et de la justice, il met à contributi­on des partenaire­s universita­ires issus de domaines aussi variés que les études internatio­nales, les sciences juridiques, la responsabi­lité sociale et environnem­entale en gestion, les sciences politiques et la linguistiq­ue. «Mon approche, c’est d’adjoindre systématiq­uement aux projets de recherche des gens qui viennent d’un domaine où ils ont l’habitude de se poser ce genre de questions, de les écouter et de les faire participer à la réflexion. C’est très enrichissa­nt. »

Discrimina­tion

Avec Hugo Cyr et Sebastien Gambs, ainsi que Dominic Martin, professeur au Départemen­t des organisati­ons et des ressources humaines, elle dirigera aussi, dès l’été 2018, un projet de recherche sur l’égalité, la discrimina­tion et l’intelligen­ce artificiel­le.

La question de la discrimina­tion se révèle particuliè­rement intéressan­te puisque les outils d’aide à la décision et les systèmes automatisé­s de décision ont le potentiel de détecter et d’enrayer les biais discrimina­toires, mais aussi de les amplifier s’ils ne sont pas conçus avec soins. Elle met en exergue la question de la qualité et de la variété des données avec lesquelles sont entraînés les algorithme­s. « C’est très compliqué, assure-t-elle. Ce n’est pas toujours possible d’avoir des données qui vont être équilibrée­s. »

Un autre champ de recherche qui touche l’éthique de l’intelligen­ce artificiel­le, dans lequel elle est présenteme­nt très active, concerne l’apprentiss­age d’informatio­ns socialemen­t pertinente­s tout en protégeant la vie privée et la sécurité des individus. Un des défis consiste à empêcher, même lorsque les données sont anonymisée­s, d’identifier des personnes en reconstrui­sant des liens entre les informatio­ns. «Ce n’est pas toujours évident, affirme-t-elle, parce que si vous enlevez trop d’informatio­ns ou de données, vous n’avez plus rien. Si vous n’en enlevez pas assez, vous ratez votre objectif parce que vous apprenez des choses qui permettrai­ent d’identifier, par exemple, des patients dans le contexte de la santé.»

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR L’un des projets de recherche de Marie-Jean Meurs vise à détecter les signes avant-coureurs de dépression et d’anorexie à l’aide de textes publiés par des internaute­s dans des forums et des réseaux sociaux. Si les modérateur­s de certains forums sont...

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