Le Devoir

Nouvel affronteme­nt à Québec sur les signes religieux

Couillard accuse ses adversaire­s de briser le rêve d’une étudiante en techniques policières

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ant parlementa­ire à Québec

Le premier ministre Philippe Couillard accuse ses adversaire­s politiques de vouloir briser le rêve de l’étudiante Sondos Lamrhari, qui aspire à intégrer un corps de police québécois tout en gardant son hidjab.

«De dire à cette jeune femme: “Non, non, ton rêve, ce ne sera pas au Québec. Vas ailleurs.” Je ne peux pas comprendre qu’on envoie un message semblable », a déclaré M. Couillard après la reprise du débat houleux sur le port de signes religieux par les employés de l’État en position d’autorité jeudi à l’Assemblée nationale.

Contrairem­ent à ce que le premier ministre indiquait jusqu’alors en évoquant des affaires «imaginaire­s», il existe bel et bien un «cas réel» d’aspirant policier arborant un signe religieux : Sondos Lamrhari.

«Quelle belle image!» a lancé M. Couillard, faisant allusion aux clichés de l’étudiante de 17 ans, vêtue d’un discret voile islamique, qui sont parus dans Le Journal de Montréal jeudi. À ses yeux, cette «pionnière» «talentueus­e », « très brave », incarne le « Québec confiant dans l’avenir où tout le monde veut participer».

Le chef du gouverneme­nt a fait remarquer que l’étudiante du Collège Ahuntsic a, de sa propre initiative, adapté sa tenue vestimenta­ire, dont son hidjab, à ses activités de formation, ce qui témoigne, selon lui, d’une «adhésion» au principe d’«efforts réciproque­s» de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse (projet de loi n°62). « Je la félicite pour cela. »

Cela dit, M. Couillard s’en remet à chacun des directeurs de service de police pour déterminer l’uniforme de leurs agents, «qui peut ou pas comprendre le port de signes religieux». «S’il dit [que les signes ne sont pas permis], la personne a tous les droits — et personne ne peut l’empêcher — de demander un accommodem­ent », a-t-il insisté.

Les autorités devront évaluer les demandes d’accommodem­ent à l’aune des «lignes directrice­s» découlant de la «loi 62», qui seront diffusées d’ici le 1er juillet prochain. M. Couillard s’est abstenu de dire que les accommodem­ents devaient à tout coup être octroyés aux policiers souhaitant exercer leur métier tout en arborant un signe religieux.

Cependant, le chef du gouverneme­nt a mis au défi les chefs de la Coalition avenir Québec, François Legault, et du Parti québécois, Jean-François Lisée, de rencontrer Sondos Lamrhari, qui ne ménage aucun effort pour «intégrer un métier non traditionn­el» pour les femmes, puis de «lui dire, les yeux dans les yeux, qu’ils ne veulent pas qu’elle soit policière au Québec ».

M. Lisée a pris au mot le premier ministre. «Lorsqu’on devient représenta­nt de l’État, et en particulie­r représenta­nt d’un corps policier qui a la capacité d’enlever la liberté à des citoyens, ça demande de se conformer à un certain nombre de choses, y compris, dans notre vision des choses, de se conformer à son rôle de neutralité. Et donc, on dit simplement, si ton rêve, c’est d’être policière, tu as le choix de te conformer au code vestimenta­ire neutre. Et on t’invite à le faire, parce que je pense que [tu] serais sûrement une bonne policière», a dit le chef de l’opposition of ficielle.

Le PQ se « [place ainsi] du côté des victimes», a fait valoir la députée de Taschereau, Agnès Maltais, après avoir qualifié de «très légitimes» les « aspiration­s » de l’étudiante en techniques policières Sondos Lamrhari. «Une jeune femme de Gatineau est allée à la police pour dénoncer son père parce qu’elle était battue parce qu’il refusait qu’elle enlève son hidjab quand elle allait à l’école. Je me demande aujourd’hui ce que penserait cette jeune femme […] si la policière qui l’avait reçue portait un hidjab », a lancé Mme Maltais à la presse.

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a qualifié de «gros n’importe quoi» la sortie de Mme Maltais.

L’élue caquiste Nathalie Roy a pour sa part soutenu jeudi qu’«une personne en position d’autorité ne peut pas servir Dieu et l’État dans un même quart de travail».

À moins de six mois des élections générales, Philippe Couillard s’impose, lui, avec de moins en moins de gêne comme le garant des droits de « tous les Québécois », nonobstant leur religion ou leur langue. «On n’a jamais proposé d’interdire les signes religieux», a-t-il répété jeudi. Les libéraux continuero­nt de «suivre [leurs] conviction­s» d’ici au scrutin du 1er octobre prochain, a-t-il promis.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Jean-François Lisée (Parti québécois) et François Legault (Coalition avenir Québec) ont croisé le fer avec le premier ministre Philippe Couillard (Parti libéral) au sujet du port de signes religieux par les officiers de l’État.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Jean-François Lisée (Parti québécois) et François Legault (Coalition avenir Québec) ont croisé le fer avec le premier ministre Philippe Couillard (Parti libéral) au sujet du port de signes religieux par les officiers de l’État.
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