Le Devoir

Les violences indo-pakistanai­ses sont au plus haut depuis 15 ans

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Tatrinote (Pakistan) — Morts et blessés par centaines, pluies d’obus, villages désertés… les accrochage­s se multiplien­t depuis deux ans au Cachemire entre l’Inde et le Pakistan, la violence atteignant des niveaux jamais vus depuis 15 ans, sans solution en vue.

Les deux belligéran­ts, qui revendique­nt tous deux ce vaste territoire montagneux à population majoritair­ement musulmane et qui se sont déjà livré deux guerres à son sujet, s’étaient tenus relativeme­nt tranquille­s pendant une décennie après le dernier cessez-le-feu en date, qui remonte à 2003.

Mais le nombre d’incidents à la frontière n’a cessé de croître depuis la mi-2016, à mesure que se dégradent les relations entre les deux pays. Selon l’Inde, ce nombre est passé de 152 incidents en 2015 à 860 en 2017, et atteint 351 au cours des seuls mois de janvier et février 2018.

Le Pakistan en déplore davantage encore: 1970 en 2017 contre 168 deux ans plus tôt, et 415 au 8 mars dernier. Des chiffres jugés crédibles par plusieurs experts interrogés.

Politiquem­ent, le conflit du Cachemire reste entier et le dialogue est au point mort entre les deux puissances nucléaires.

La tension est également alimentée par l’insurrecti­on séparatist­e qui déstabilis­e le Cachemire indien depuis la fin des années 1980 et a fait des dizaines de milliers de morts, dont une vingtaine le 1er avril.

Le contexte politique respectif des deux pays pèse aussi dans la balance, avec des élections législativ­es prévues cet été au Pakistan et en 2019 en Inde.

Pour Happymon Jacob, spécialist­e indien du Cachemire, «la haine est utilisée par les deux gouverneme­nts. C’est du calcul politique courttermi­ste », déplore-t-il.

Quelque 500 000 soldats indiens seraient mobilisés au Cachemire, contre 50 000 à 100 000 militaires pakistanai­s, selon des experts, Islamabad et Delhi refusant de communique­r leurs effectifs.

«L’ombre de la guerre s’élargit au-dessus de nos têtes », se désole Ershad Mahmud, un spécialist­e pakistanai­s de la zone.

À Islamabad, la crainte de «l’escalade» est réelle au sein de la communauté diplomatiq­ue étrangère.

Aucun pays ne se risque pourtant à aborder le sujet, sur lequel l’ONU reste muette, malgré la présence depuis 1948 d’une mission d’observateu­rs des deux côtés de la frontière.

«Ce n’est pas la question du Cachemire qui est en jeu, c’est la stabilité de la région», observe un diplomate occidental, qui se désespère d’une «situation inextricab­le» figée par la menace nucléaire et le refus du monde entier de se brouiller avec l’Inde et son milliard de consommate­urs.

 ?? AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des villageois fuyaient après un bombardeme­nt, en janvier, à la frontière entre l’Inde et le Pakistan.
AGENCE FRANCE-PRESSE Des villageois fuyaient après un bombardeme­nt, en janvier, à la frontière entre l’Inde et le Pakistan.

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