Le Devoir

Mensonges et demi-vérités

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Décédé en août dernier, Jacques Daoust a rédigé une lettre, qui lui tient lieu de testament politique, dans laquelle il clame qu’il n’a jamais menti et qu’il a été piégé par le cabinet du premier ministre. Or la vente de Rona à l’américaine Lowe’s baigne dans les demivérité­s auxquelles Philippe Couillard continue d’ailleurs de recourir. Jacques Daoust a écopé parce qu’il refusait de défendre la transactio­n, un désaccord qu’il n’avait jamais confirmé de son vivant.

Dans cette lettre d’outre-tombe dont les quotidiens de Québecor ont publié des extraits, Jacques Daoust donne sa version des faits en se mettant en scène à la troisième personne, comme si c’était saint Pierre lui-même qui avait tenu la plume, un procédé littéraire aux accents lugubres. «Jacques Daoust ne ment pas, peu importe le prix à payer», écrit-il. «Le ministre était […] choqué de la décision [d’Investisse­ment Québec de vendre ses actions] et a […] affirmé qu’il n’était pas d’accord, que c’était une mauvaise décision. »

Ce qu’il faut rappeler, c’est qu’en vendant ses actions, IQ éliminait la minorité de blocage qu’elle formait avec la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité. IQ n’a fait qu’accommoder la Caisse; celle-ci avait dès lors les coudées franches pour négocier avec l’acheteur américain sans que pèse la menace d’une interventi­on étatique. En février 2016, Lowe’s, avec l’aval de la Caisse, annonçait l’achat de Rona pour 3,2 milliards.

Le cabinet du premier ministre aurait bien voulu que Jacques Daoust, alors muté aux Transports, entonne le même refrain que sa remplaçant­e Dominique Anglade, qui affirmait que la transactio­n était «bénéfique» pour le Québec. Mais pour le ministre, s’empêcher d’exprimer publiqueme­nt son désaccord, c’était une chose — en ce sens, il n’a pas dit toute la vérité à l’époque —, mais se muer en un jovial meneur de claque, c’en était une autre.

Mercredi, à l’Assemblée nationale, Philippe Couillard a soutenu que ni lui ni personne à son cabinet n’était au courant de la vente des actions détenues par IQ. Que le premier ministre n’ait pas été informé de détails qu’ils jugent triviaux n’a rien de surprenant. Que son cabinet ignorât ce qui se tramait pour Rona est cependant difficile à avaler. «Le mensonge n’est un vice que quand il fait mal», disait Voltaire. Surtout en politique. En l’occurrence cependant, mensonges et demi-vérités ont malheureus­ement fait une victime collatéral­e.

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ROBERT DUTRISAC

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