Le Devoir

L’OMC craint l’effet du protection­nisme sur l’embellie mondiale

- AGNÈS PEDRERO à Genève

La montée du protection­nisme risque de compromett­re la forte croissance du commerce mondial, attendue à 4,4% cette année et à 4% en 2019, a estimé jeudi l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC).

«La forte croissance du commerce que nous observons aujourd’hui sera vitale pour entretenir la croissance et la reprise économique­s et pour soutenir la création d’emplois», a affirmé le directeur général de l’OMC, Roberto Azevedo, à l’occasion de la publicatio­n des prévisions pour 2018.

«Cependant, ces progrès importants pourraient être rapidement compromis si les gouverneme­nts recourent à des politiques commercial­es restrictiv­es, en particulie­r dans le cadre d’un processus de mesures et de contre-mesures qui pourrait conduire à une escalade ingérable», a-t-il affirmé.

«Un cycle de représaill­es est la dernière chose dont l’économie mondiale ait besoin», a-t-il insisté.

L’OMC a revu jeudi fortement à la hausse sa prévision de croissance du volume du commerce mondial en 2018, pour afficher un taux de 4,4% (avec une fourchette allant de 3,1% à 5,5 %), contre 3,2 % escompté précédemme­nt.

Toutefois, cette fourchette de prévisions «n’inclut pas la possibilit­é d’une escalade dramatique des restrictio­ns commercial­es», a relevé M. Azevedo lors d’une conférence de presse. « Les risques sont graves. »

Exemptions

Les États-Unis et la Chine sont engagés depuis un mois dans un conflit commercial déclenché par la décision du gouverneme­nt Trump d’imposer des taxes sur les importatio­ns d’acier et d’aluminium au nom de la sécurité nationale. Plusieurs pays en ont été exemptés, mais pas la Chine.

En rétorsion, Pékin a annoncé et déclenché une série de mesures punitives.

«Politiquem­ent […], nous voyons les prémices d’une guerre commercial­e», mais «techniquem­ent, nous n’en sommes pas encore là», alors qu’un certain nombre de mesures annoncées n’ont pas été «mises en place», a déclaré M. Azevedo.

D’après l’OMC, certains signes indiquent que l’escalade des tensions commercial­es pourrait déjà nuire à la confiance des entreprise­s et aux décisions d’investisse­ment.

«Une fracture des relations commercial­es entre les protagonis­tes principaux ferait dérailler la récupérati­on importante dont nous avons été les témoins ces dernières années et risquerait aussi de mettre à mal l’emploi», a averti M. Azevedo, relevant que «les effets seraient mondiaux».

En 2017, la croissance du commerce mondial des marchandis­es s’est établie à 4,7 %. Il s’agit du taux le plus fort depuis 2011, une croissance due principale­ment à des facteurs conjonctur­els, en particulie­r la progressio­n des dépenses d’investisse­ment et de consommati­on, selon l’OMC.

Pour 2018, «il ressort des chiffres préliminai­res que le commerce a pris un bon départ», indique l’OMC.

«L’indicateur le plus récent de l’OMC sur les perspectiv­es du commerce mondial a mis en évidence une croissance des échanges supérieure à la tendance durant le premier trimestre, et d’autres indicateur­s tels que les commandes à l’exportatio­n et le trafic de conteneurs laissent aussi deviner l’amorce d’une reprise», explique le gendarme du commerce mondial.

Selon l’OMC, la bonne santé du commerce est «encouragée par une croissance économique plus forte dans toutes les régions, stimulée par l’accroissem­ent des investisse­ments et une politique budgétaire expansionn­iste ».

L’OMC prévoit une croissance plus forte des économies en développem­ent tant pour les exportatio­ns (5,4%) que pour les importatio­ns (4,8%).

Les pays développés devraient également connaître une croissance assez forte des exportatio­ns (3,8 %) et des importatio­ns (4,1 %).

Croissance stabilisée

En 2019, la croissance du commerce devrait se stabiliser à 4 %, les économies en développem­ent dépassant encore les pays développés.

Toutefois, l’OMC s’attend également à ce que l’activité économique subisse aussi en 2019 le «contrecoup de l’escalade des restrictio­ns commercial­es, ce qui pourrait se traduire par la réalisatio­n de scénarios plus négatifs».

Les prévisions sur le commerce établies par l’OMC reposent sur les estimation­s du PIB (produit intérieur brut) mondial, qui ont été fortement révisées à la hausse ces derniers mois.

Outre la montée d’un « sentiment anticommer­ce» et «la propension accrue des gouverneme­nts à recourir à des mesures commercial­es restrictiv­es», l’OMC met en garde contre «une poussée imprévue de l’inflation dans un ou plusieurs pays».

Newspapers in French

Newspapers from Canada