Question de budget
J’ai sous les yeux l’article de Catherine Lalonde dans Le Devoir du 6 avril 2018 au sujet de l’aliénation de La tour Eif fel de Marc Chagall par le Musée des beaux-arts du Canada. Je me réjouis de cet article qui s’étonne d’une décision du MBAC pour le moins surprenante. J’appuie les arguments de Ninon Gauthier qui y sont rapportés contre l’aliénation de cette oeuvre.
En effet, les gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités pour la protection du patrimoine de nos collections publiques. Et oui, cette oeuvre de Chagall nous appartient; ce n’est pas parce qu’elle est une oeuvre de l’École de Paris qu’elle a une importance moindre dans une collection canadienne, bien au contraire. Ce n’est pas non plus parce que l’oeuvre serait moins sollicitée. Les collections de musée sont des instruments d’éducation et militent en faveur de la démocratie. Il faut être cynique pour divulguer le mensonge qu’elles ne servent qu’une élite.
Les collections des musées sont aussi des instruments de recherche. On le savait au XIXe siècle quand il fallait, pour obtenir une charte d’université, posséder une collection d’artefacts de valeur universelle. Pour défendre l’aliénation de l’oeuvre de Chagall, aliénation que l’on dit regretter, on invoque le fait que le tableau a été plus souvent dans les réserves que sur les murs. Pas assez de demande ; voilà une règle du marché à l’honneur ici, à ce qu’il semble. Il s’agit du même argument pour se défaire dans les bibliothèques de livres qui n’ont pas été consultés assez souvent, même dans les bibliothèques universitaires.
Le nom de Chagall dans l’histoire de l’art international est de la plus haute importance. Non seulement il a produit des oeuvres majeures, mais il est l’un des peintres les plus courageux du XXe siècle. Il représente cette détermination, cette endurance et cette ténacité dont un artiste qui croit en son art fait preuve en traversant dans la souffrance des obstacles culturels et politiques de toutes sortes. Une expérience que nos artistes québécois et canadiens connaissent. Il représente la résistance, la liberté et, disons-le avec d’autres, la foi dans la démocratie.
Carolle Gagnon, membre d’AICA-Canada Le 12 avril 2018