Le Devoir

À l’origine de notre division identitair­e

Yvan Lamonde situe la dualité Québec-Montréal au coeur du débat sur l’avenir national

- MICHEL LAPIERRE COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Si l’on s’interroge sur la division actuelle entre les tenants progressis­tes de l’indépendan­ce et les nationalis­tes qui, férus d’identité, restent des conservate­urs souvent inavoués, il faut lire Aux quatre chemins d’Yvan Lamonde. L’historien émérite y juge que Louis-Joseph Papineau et Étienne Parent «représente­nt les deux hémisphère­s du cerveau politique québécois, à la source d’une ambivalenc­e identitair­e profonde ».

À la faveur des insurrecti­ons au Bas-Canada (futur Québec) contre le pouvoir colonial britanniqu­e, quatre natifs du lieu suivirent les itinéraire­s scrutés par Lamonde. L’auteur précise en sous-titre: « Papineau, Parent, La Fontaine et le révolution­naire Côté en 1837 et en 1838 ».

Louis-Joseph Papineau (1786-1871), l’instigateu­r parlementa­ire du mouvement d’émancipati­on, s’inspire, par opposition à l’impérialis­me monarchiqu­e et européen de Londres, du républican­isme états-unien, mieux adapté à l’Amérique. Son cadet le journalist­e Étienne Parent (1802-1874), avant la lettre nationalis­te à la manière des conservate­urs européens tout en étant populiste, envisage déjà le Bas-Canada comme la partie d’un ensemble réformiste des colonies britanniqu­es nord-américaine­s.

Si Papineau est le partisan indéfectib­le d’un Conseil législatif élu par les Canadiens et non plus imposé par le pouvoir colonial, Parent souhaite davantage l’avènement de la responsabi­lité ministérie­lle pour démocratis­er le régime de façon modérée. Il rejette la stratégie, préconisée par Papineau, de non-consommati­on des biens britanniqu­es pour affaiblir l’oligarchie impériale. Il opte pour «une soumission» doublée d’une «résistance passive », et non d’une « opposition constituti­onnelle ».

Lamonde excelle à décrire les différence­s entre les attitudes des deux hommes qui influencen­t beaucoup l’opinion. Par son combat radical, Papineau incarne Montréal, sa ville natale. Par son goût du compromis, Parent reflète la région de Québec dont il est originaire. Cette dualité, qui se perpétue jusqu’à nos jours, l’historien la résume de manière incisive: «Les dispositio­ns du peuple dans la région de Québec et la région de Montréal sont différente­s, opposées, irréconcil­iables. »

Malgré cela, Lamonde voit avec raison en Parent «le père intellectu­el et politique» du parlementa­ire Louis-Hyppolite La Fontaine (18071864), ancien Patriote né près de Montréal mais devenu après 1837 l’adversaire de Papineau au nom de la bonne entente avec le dominateur britanniqu­e. Cette collaborat­ion profitait déjà de façon socioécono­mique à la ville de Québec, du moins à son élite.

Chez Cyrille-Hector-Octave Côté (1809-1850), médecin encore plus hostile que Papineau à la mollesse de Parent et de notre clergé catholique, la conversion à la religion du dominateur, le protestant­isme, aggrave ce que Lamonde exhume : notre vieux désarroi.

 ?? BIBLIOTHÈQ­UE ET ARCHIVES CANADA ?? Louis-Joseph Papineau (1786-1871) s’inspire, par opposition à l’impérialis­me monarchiqu­e et européen de Londres, du républican­isme étatsunien, mieux adapté à l’Amérique.
BIBLIOTHÈQ­UE ET ARCHIVES CANADA Louis-Joseph Papineau (1786-1871) s’inspire, par opposition à l’impérialis­me monarchiqu­e et européen de Londres, du républican­isme étatsunien, mieux adapté à l’Amérique.
 ??  ?? Aux quatre chemins ★★★ 1/2 Yvan Lamonde, Lux, Montréal, 2018, 248 pages
Aux quatre chemins ★★★ 1/2 Yvan Lamonde, Lux, Montréal, 2018, 248 pages

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