S’indigner tout en informant
Le livre s’ouvre sur cette savoureuse anecdote qui porte à elle seule toute la raison d’être du bouquin : Rebecca Solnit, une auteure féministe californienne qui venait d’écrire un ouvrage sur l’industrialisation du quotidien, s’est retrouvée dans une soirée à se faire raconter par un homme suffisant qui ne la laissait pas placer un mot qu’elle devait absolument lire le livre… qu’elle venait ellemême d’écrire.
Survenue en 2008, cette histoire, qui suintait la condescendance liée au genre, a inspiré à la prolifique auteure le mot «mansplaining» («mecpliquer»), dont la maternité lui revient. C’est aussi le point de départ de Ces hommes qui m’expliquent la vie, un recueil d’essais qui a eu un grand retentissement à sa sortie aux États-Unis en 2014 et qui prend la forme d’un combat acharné — Solnit est infatigable — contre ces hommes qui croient savoir mieux que les femmes ce qu’elles ressentent, veulent dire et pensent.
Par une savante analyse des rapports hommes-femmes à travers l’affaire DSK, le mythe de Cassandre ou encore le regard que l’essayiste Susan Sontag a porté sur Virginia Woolf, cette historienne de l’art s’emploie à démontrer comment s’est perpétué le puissant schème du patriarcat, mais surtout: comment la femme en est venue à être réduite à un objet, effacée et dépossédée de ses droits.
Truffé d’anecdotes personnelles — sur des agressions subies, lues ou vues — et de statistiques accablantes — on signale un viol toutes les six minutes aux États-Unis —, le livre indigne autant qu’il informe.
Rebecca Solnit en est l’auteureguerrière qui se bat à coups de mots pour ouvrir de force les yeux d’un monde aveugle, qui ne voit pas qu’une «portion significative des femmes de [son] entourage entre dans la catégorie des survivantes». Des munitions pour #MeToo.