Le Devoir

Les vivacités de l’ancêtre Mayall

Pour la première fois dans son long parcours, voici que l’octogénair­e prend la tête d’un trio

- SERGE TRUFFAUT COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

On l’a déjà écrit. On va le répéter, car il y a matière à ce qu’il en soit ainsi: comment fait-il? Comment, celui que l’on a surnommé le parrain du blues à l’anglaise, pas la crème mais bien la Worcesters­hire, fait-il pour être encore et toujours pertinent? Comment le vétéran de la guerre de Corée a-t-il fait pour être inscrit, en matière de longévité, au palmarès où figurent Duke Ellington et Count Basie? Bref, comment John Mayall fait-il pour régaler la compagnie une fois par an depuis plus de 50 ans ? Cet homme-là est vraiment à part.

Année après année depuis son premier enregistre­ment, Mayall, tranquille, pépère, nous propose un album. De cette longue série, le monde a surtout retenu et retient encore les enregistre­ments réalisés avec la sainte trinité de la sixcordes, qui devait rejoindre ou former les Rolling Stones, Fleetwood Mac et The Cream, soit Eric Clapton, Peter Green et Mick Taylor. Cela nous a toujours agacé, car on fait encore l’impasse sur ces copinages musicaux avec des souffleurs venant du jazz, des musiciens de campagne, qui ont résulté en des bijoux qui tiennent la distance. Ainsi, son Jazz/Blues Fusion demeure un chef-d’oeuvre.

Aujourd’hui, voilà que l’octogénair­e, il a 84 ans, se présente à nous avec deux musiciens seulement: Greg Rzab à la basse et Jay Davenport à la batterie. Il va sans dire que, la réputation de Mayall étant ce qu’elle est, il n’attire que des cracks. Toujours est-il que le vieux est au piano, à l’harmonica, une ou deux fois à l’orgue. Pas une fois il ne joue de la guitare. Bref, pour la première fois dans son long parcours, voici Mayall à la tête d’un trio. Le titre de l’album: Three for the Road sur étiquette Forty Below Records.

L’enregistre­ment a été effectué en public. En Allemagne, pour être exact. À Stuttgart et à Dresde, laquelle fut totalement détruite pendant la Deuxième Guerre mondiale, au point d’avoir convaincu le grand écrivain Kurt Vonnegut, qui fut prisonnier de guerre, d’écrire un chefd’oeuvre : Abattoir 5. L’enregistre­ment a été réalisé il y a un an.

Sur les neuf pièces mises en boîte, seulement deux sont de sa plume : Streamline et Lonely Feelings. Les autres ont été composées par des vétérans du blues: Eddie Taylor, Sam Taylor, Lionel Hampton, Henry Townsend, Curtis Salgado et Jerry Lynn Williams. L’absence de guitare électrique a eu pour résultat de forcer, si l’on peut dire, Mayall à remplir l’espace sonore. Jamais on n’a autant réalisé qu’il est un sacré pianiste. Mieux, un très grand musicien. Le résultat est à la hauteur de l’homme : superbe !

Un merveilleu­x Roswell Rudd

Il y a quelques semaines, on a consacré une chronique à la disparitio­n de l’immense trombonist­e et militant Roswell Rudd. On avait alors suggéré un ou deux albums. Bien. Depuis, on a fait l’acquisitio­n de The Incredible Honk sur Sunnyside. Cet album est une merveille, car il met en relief la science de Rudd pour tout ce qui a trait à l’archéologi­e musicale. Il faut rappeler qu’il fut l’assistant d’Alan Lomax au Library of Congress avant d’enseigner l’ethnomusic­ologie à l’Université du Maine pendant 20 ans. Pour faire court, il a fait cet album avec des musiciens du monde entier, y compris de la Mongolie. Vous avez aimé Buena Vista Social Club avec Ry Cooder? Vous allez adorer The Incredible Honk.

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CHRISTINA ARRIGONI Année après année depuis son premier enregistre­ment, John Mayall nous propose un album. Aujourd’hui, voilà que l’octogénair­e se présente à nous avec deux musiciens seulement.
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