Le Devoir

Vers une sortie de crise ?

Avec leurs frappes, les Occidentau­x espèrent débloquer les discussion­s diplomatiq­ues

- SYRIE

Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont assuré dimanche que leurs frappes en Syrie n’avaient pas la prétention de faire taire les canons du régime de Bachar al-Assad et doivent être suivies d’efforts diplomatiq­ues redoublés. Mais des inconnues demeurent quant au contenu d’éventuelle­s discussion­s ainsi que la volonté de Moscou de s’y investir.

Outre sanctionne­r le franchisse­ment d’une «ligne rouge» sur les armes chimiques, cette action militaire réalisée hors du cadre des Nations unies cherche surtout à débloquer des discussion­s politiques au point mort.

Ces frappes étaient nécessaire­s et légitimes, mais «la finalité est de construire ce qu’on appelle une solution politique inclusive», a déclaré le président français, Emmanuel Macron, dimanche, lors d’un grand entretien télévisé consacré à sa première année de pouvoir. «La France n’a pas déclaré la guerre au régime » de Bachar al-Assad, a-t-il poursuivi, rappelant que l’ennemi de la France était plutôt le groupe armé État islamique.

«Il faut espérer maintenant que la Russie comprenne qu’après la riposte militaire […], nous devons joindre nos efforts pour promouvoir un processus politique en Syrie qui permette une sortie de crise», a estimé le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Washington, Paris et Londres ont effectué samedi, à l’aube, des frappes contre trois sites présentés comme liés au programme d’armement chimique syrien, sans faire de victimes, en représaill­es à une attaque chimique présumée le 7 avril à Douma, qui était alors le dernier bastion rebelle dans la Ghouta, près de Damas.

Le régime a démenti toute implicatio­n dans cette attaque qui a fait au moins 40 morts et des centaines de blessés, selon les secouriste­s en zones rebelles, les Casques blancs.

Donald Trump et Emmanuel Macron ont toutefois assuré détenir la preuve de l’utilisatio­n d’armes chimiques à Douma. Une responsabl­e du gouverneme­nt américain a précisé avoir des preuves de l’utilisatio­n de chlore, mais aussi de sarin.

Travailler avec la Russie

Pour parvenir à «une solution durable», «il nous faut parler avec l’Iran, la Russie et la Turquie », estime le président français.

Il souhaite surtout «travailler sérieuseme­nt» avec la Russie — sa visite diplomatiq­ue au mois de mai est d’ailleurs toujours au programme —, espérant que le pays «fasse pression» sur Bachar al-Assad.

La France a fait remarquer que les alliés du régime de Bachar al-Assad, la Russie et l’Iran,

ont été «prévenus en amont». Les frappes occidental­es ont d’ailleurs soigneusem­ent évité les installati­ons militaires russes en Syrie et les défenses antiaérien­nes russes n’ont pas été utilisées pour intercepte­r les missiles.

Emmanuel Macron a également assuré avoir convaincu Donald Trump de maintenir ses troupes en Syrie. « Il y a 10 jours, le président Trump disait que les États-Unis d’Amérique ont vocation à se désengager de la Syrie. […]. Je vous rassure, nous l’avons convaincu qu’il fallait rester dans la durée », a-t-il déclaré.

M. Macron aurait par ailleurs persuadé M. Trump de limiter l’envergure des dernières attaques, s’inquiétant des déclaratio­ns belliqueus­es du président

Le chef d’État français, Emmanuel Macron, a affirmé avoir convaincu le président Donald Trump de maintenir ses troupes en Syrie

américain sur Twitter, notamment contre les forces russes présentes en Syrie.

De son côté, Washington assure travailler avec le représenta­nt des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, et «avec Moscou». Dès lundi, de nouvelles «sanctions russes» seront toutefois prises, a annoncé l’ambassadri­ce américaine à l’ONU, Nikki Haley.

Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue iranien, Hassan Rohani, ont toutefois jugé dimanche que «cette action illégale endommagea­it sérieuseme­nt les perspectiv­es d’un règlement politique».

Vladimir Poutine a même mis en garde Washington, Paris et Londres: une nouvelle frappe et ce sera «inévitable­ment le chaos » dans les relations internatio­nales.

De son côté, le président Bachar al-Assad a dénoncé la campagne occidental­e de «tromperie et de mensonges», affirmant que «l’agression tripartite» montrait que «la Syrie et la Russie menaient une seule et même bataille, non seulement contre le terrorisme mais aussi pour protéger le droit internatio­nal fondé sur le respect de la souveraine­té des États ».

Processus bloqué

Américains, Français et Britanniqu­es ont remis à leurs douze partenaire­s du Conseil de sécurité un projet de résolution sur la Syrie samedi qui devrait être discuté à partir de lundi, selon des diplomates.

Ce texte comporte plusieurs volets. Dans le domaine de l’aide humanitair­e, il réclame un «cessez-le-feu durable», «un accès humanitair­e sans restrictio­n» partout en Syrie et la possibilit­é «de procéder à des évacuation­s médicales en fonction des besoins et des urgences ».

Dans le domaine chimique, il prévoit notamment de créer « un mécanisme indépendan­t » d’enquête et d’attributio­n des responsabi­lités « basé sur des principes d’impartiali­té et de profession­nalisme ».

En matière politique, le projet «exige des autorités syriennes qu’elles s’engagent dans des négociatio­ns intersyrie­nnes de bonne foi, de manière constructi­ve et sans conditions préalables » en applicatio­n des dernières discussion­s menées à Genève en mars.

Ce processus de Genève est « totalement bloqué, à la fois par la Syrie qui ne veut pas participer aux discussion­s […] et par les Russes qui n’ont pas voulu faire suffisamme­nt pression» sur Damas, estime un haut responsabl­e américain.

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