Le Devoir

La barre est haute

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La nouvelle politique de mobilité durable (PMD) du gouverneme­nt Couillard pourrait changer la donne en matière d’organisati­on des transports au Québec. Son succès dépendra de notre capacité collective à repenser l’aménagemen­t du territoire et la fiscalité municipale.

On peut bien s’arrêter aux détails de cette politique de mobilité durable, mais ce serait pour produire une fausse note inaudible dans un concert d’éloges. Tour à tour, l’Union des municipali­tés du Québec, la Fédération québécoise des municipali­tés, la Ville de Montréal, le Conseil du patronat du Québec, le CN, l’Associatio­n du camionnage et d’autres organismes, pour la plupart impliqués dans le comité consultati­f qui a jeté les esquisses de la PMD, ont salué la cohérence d’ensemble du gouverneme­nt. Ce plan de 9,7 milliards de dollars, dont 2,9 milliards de nouveaux investisse­ments, prend en considérat­ion l’ensemble des modes de transport, le but étant de permettre à tous les citoyens, peu importe leur condition et leur localisati­on, de se déplacer rapidement, à coût raisonnabl­e et en toute sécurité.

Si elle est placée entre les mains d’hommes et de femmes de bonne volonté, la PMD permettra de mettre un terme à cette habitude malsaine qui consiste à construire ou à élargir toujours plus de voies rapides afin de régler les problèmes de congestion et de mobilité. À l’heure où le parc automobile augmente plus vite que la population dans les grands centres urbains, cette stratégie de fuite par en avant mène à un cul-de-sac. La lutte contre les changement­s climatique­s, l’améliorati­on de la qualité de vie et de la mobilité nécessiten­t des solutions plus complexes que l’addition des couches d’asphalte.

La PMD propose donc un changement de paradigme. Elle est assortie d’objectifs ambitieux, entre autres pour réduire de 20% l’usage de l’automobile en solo, pour augmenter de 30% la fréquentat­ion des transports collectifs et pour réduire de 37,5% les émissions de gaz à effet de serre sous le niveau de 1990. Seule ombre au tableau, ces objectifs seront difficiles à atteindre faute de mesures contraigna­ntes, notamment l’instaurati­on d’un péage urbain dans la région métropolit­aine.

Mais il y a un problème plus large. Afin que cette « Baie-James de notre époque» ne devienne pas un nouveau Plan Nord tragicomiq­ue, il faudra modifier de manière substantie­lle l’aménagemen­t du territoire, et juguler l’étalement urbain. Les choix faits jusqu’ici conditionn­ent la dépendance à l’automobile, estime Christian Savard, directeur général de Vivre en ville.

La nouvelle politique reconnaît l’importance de l’aménagemen­t du territoire pour atteindre les objectifs, puisqu’il permet de réduire les distances à parcourir et les besoins en déplacemen­ts motorisés. Il s’agit en somme de densifier le territoire, alors que le réflexe des promoteurs, des développeu­rs, des élus municipaux est de repousser toujours plus loin les frontières de la banlieue.

Cette exigence de densificat­ion est indissocia­ble d’une réforme de la fiscalité des municipali­tés. En dépit de toutes les études, commission­s d’enquête et livres blancs, celles-ci dépendent toujours des impôts fonciers pour boucler leurs budgets. L’augmentati­on des taxes, la réduction des services et l’expansion du territoire bâti pour accroître l’assiette fiscale demeurent donc les trois ingrédient­s de base de la recette des maires. Québec a reconnu récemment les villes comme des gouverneme­nts de proximité à part entière. Ce statut passe par un accès à de nouvelles sources de revenus.

L’atteinte des cibles du PMD dépend d’un changement des politiques d’aménagemen­t du territoire et d’une réforme de la fiscalité municipale. Pour ces raisons, la barre est haute.

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BRIAN MYLES

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