Le Devoir

Technopôle Angus : Camil Bouchard défend le modèle d’école proposé

- JESSICA NADEAU

Le conseiller en éducation du Parti québécois, Camil Bouchard, défend bec et ongles le modèle controvers­é d’école «autonome» projeté sur le site du Technopôle Angus qu’il a développé à titre de consultant pour le compte du promoteur.

Certains y voient une réplique du modèle des écoles à charte américaine­s. D’autres craignent un pas de plus vers une privatisat­ion de l’éducation. D’autres, enfin, évoquent l’ajout d’une «quatrième vitesse» dans un système déjà très inéquitabl­e, comme le rappelait récemment le conseil supérieur de l’éducation.

Mais pour Camil Bouchard, qui était consultant pour la Société de développem­ent Angus avant de revenir en politique pour conseiller le PQ en matière d’éducation, c’est un modèle «innovant» qui va, au contraire, bénéficier au système public.

Son projet, c’est «quelque chose qui vient dire à tous les gens qui aiment l’école publique: oui, mais on peut faire autrement et emprunter à divers systèmes, comme les CPE, des modes de gouvernanc­e qui rapprochen­t le parent de la décision et de la vie quotidienn­e des enfants», explique M. Bouchard en entrevue.

Mais le public, c’est un réseau, une mise en commun des ressources pour permettre à tous d’avoir des services équivalent­s, rappellent plusieurs défenseurs du public.

« Avoir plein de petites écoles, avec chacune leur budget et leur façon de faire, ce n’est pas un réseau d’école publique», rappelait la présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon, en entrevue plus tôt cette semaine.

Sur cet aspect, Camil Bouchard en convient, «ça peut créer des inquiétude­s, du point de vue de la solidarité ».

«Est-ce que vous vous en allez avec tous les bijoux de la Castafiore? Ben non! On peut avoir un arrangemen­t, une convention, un lien avec la CSDM qui dit: s’il manque de place dans d’autres écoles et qu’on a des places libres, on pourrait les prendre. On pourrait aussi partager des ressources, comme le conseiller pédagogiqu­e, par exemple. Il y a plein de trucs qu’on peut faire. Mais il faut ouvrir les discussion­s. »

Les valeurs du PQ

Camil Bouchard ne voit donc pas de contradict­ion entre le projet qu’il défend et les valeurs du parti pour lequel il travaille. «Je suis en parfaite harmonie avec les valeurs du PQ, de mon point de vue», affirme-t-il.

«Le PQ défend l’école publique, on est d’accord là-dessus, et moi je pense que c’est une propositio­n qui va plutôt à l’encontre de la privatisat­ion du système. Si le système public doit résister à la privatisat­ion, voici une avenue que l’on peut emprunter. Et je pense que ça colle tout à fait aux valeurs du PQ. »

Il assure qu’il n’a pas encore «soumis» ce projet aux gens du parti et ne peut donc pas s’avancer, mais dit savoir que «Jean-François Lisée est au courant, car comme député, il a reçu l’informatio­n de la part du promoteur ».

Au Parti québécois, on joue de prudence. «Le groupe de la SDA a décidé de réfléchir en dehors de la boîte et d’aller vers un projet qui est différent. Il faut saluer ça », répond d’emblée Carole Poirier, porteparol­e de l’opposition officielle en matière d’éducation.

Elle émet néanmoins quelques réserves sur le modèle de gouvernanc­e, rappelant que le partenaire du gouverneme­nt en matière d’éducation publique, c’est la commission scolaire.

Un peu comme le faisait le ministre de l’Éducation mercredi, la députée péquiste demande donc à la SDA de s’asseoir avec la CSDM pour trouver «le meilleur modèle à l’intérieur du cadre que nous avons».

Est-ce que le fait que M. Bouchard soit derrière ce projet rend le PQ plus favorable à ce modèle hybride, fortement contesté par les syndicats ?

«Ça ne nous rend pas plus favorables ou moins favorables, répond Mme Poirier. On regarde les propositio­ns qui sont sur la table et on réfléchit à toutes sortes de choses au PQ. Et quand j’ai vu ce modèle-là, j’ai juste vu qu’il y avait là des gens qui réfléchiss­aient en dehors de la boîte. Qu’on ait différents modèles qui nous soient proposés, c’est bien, mais ça n’en fait pas des modèles qu’on va adopter.»

Certains y voient une réplique du modèle des écoles à charte américaine­s. D’autres craignent un pas de plus vers une privatisat­ion de l’éducation.

CAQ et QS

À la CAQ, un parti qui s’est positionné maintes fois contre les commission­s scolaires, on émet des réserves face à ce projet d’école autonome.

«J’ai comme une petite crainte qu’on ait un troisième réseau: il y a les écoles publiques, les écoles privées, et là, si on avait à côté un réseau d’écoles autonomes ou à charte, ça pourrait être une dérive, il faut faire attention», répond Jean-François Roberge.

«Cependant, le fait que ce projet innovant ne puisse s’intégrer dans le système actuel, ça démontre la rigidité de ce dernier», ajoute celui qui propose de transforme­r les commission­s scolaires en centres de services aux écoles.

«La solution n’est pas de modifier la Loi sur l’instructio­n publique [comme le demande le promoteur] pour faire une exception pour cette école et de créer un réseau parallèle, mais c’est assurément de rendre le réseau plus souple.»

À Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois est d’accord lui aussi pour «assouplir» un peu le système. «Il faut certaineme­nt trouver de nouvelles manières de faire, rendre moins bureaucrat­ique et surtout moins long l’accompliss­ement de nouvelles écoles, notamment à Montréal, où on a un grand problème de surpopulat­ion dans les écoles. »

Mais cela doit se faire, rappelle-t-il, en accord avec le principe fondamenta­l d’un réseau public et universel.

« Avoir plein de petites écoles, avec chacune leur budget et leur façon de faire, ce n’est pas un réseau d’école publique » Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM

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