Le Devoir

Le soulèvemen­t du ghetto de Varsovie, il y a 75 ans

- MICHEL VIATTEAU à Varsovie

Le président polonais, Andrzej Duda, a rendu hommage jeudi aux héros du soulèvemen­t du ghetto de Varsovie de 1943, tout en rappelant le rejet par son pays des accusation­s concernant l’attitude des Polonais à l’égard des juifs sous l’occupation allemande.

Le 19 avril 1943, quelques centaines de combattant­s juifs attaquèren­t les nazis, préférant mourir l’arme à la main plutôt que prendre le chemin des chambres à gaz du camp d’exterminat­ion de Treblinka (est de la Pologne), où l’occupant allemand avait envoyé plus de 300 000 juifs de Varsovie enfermés dans le ghetto dans des conditions inhumaines.

Tant les Polonais que les juifs «tiennent énormément à n’avoir qu’une seule vérité historique», a déclaré le chef de l’État lors de la cérémonie officielle devant le monument aux héros du ghetto, en présence de l’ambassadri­ce d’Israël Anna Azari et du président du Congrès mondial juif Ronald S. Lauder.

«C’est pourquoi je suis convaincu que, si quelqu’un parle de responsabi­lité ou de coresponsa­bilité de l’État polonais pour l’Holocauste, cela blesse non seulement les Polonais, mais aussi les juifs citoyens polonais, et la mémoire de ceux qui sont tombés sous les drapeaux polonais et juif», a dit M. Duda.

Les cérémonies du 75e anniversai­re de l’insurrecti­on du ghetto se déroulent cette année sur fond de tensions entre la Pologne et Israël à propos d’une loi polonaise perçue à Jérusalem comme pouvant conduire à nier la participat­ion de certains Polonais à des crimes contre les juifs commis sous l’occupation allemande.

M. Lauder, qui a évoqué «un lien spécial que personne ne peut détruire» entre les catholique­s et les juifs polonais ayant combattu les nazis allemands, a cependant rappelé que «dans toute l’Europe et ici, en Pologne, il y a eu des personnes d’origine non juive qui ont risqué leur vie pour sauver des familles juives, et il y a eu aussi, dans toute l’Europe et ici, en Pologne, celles qui ont escroqué des familles juives, les ont trahies et se sont emparées de leurs biens».

L’ambassadri­ce d’Israël n’a pas évoqué ce sujet délicat, s’attachant à souligner que l’anniversai­re du soulèvemen­t coïncidait avec celui de la création — cinq ans plus tard — de l’État hébreu, et que les deux événements étaient intimement liés par le courage des protagonis­tes.

À midi, les sirènes d’alarme ont hurlé à Varsovie et on a vu les passants dans les rues arborer des milliers de jonquilles en papier. Parallèlem­ent, quelques centaines de personnes ont participé à une manifestat­ion au son de chansons en yiddish, pour montrer qu’elles s’opposent à «la récupérati­on des cérémonies anniversai­res par les politicien­s».

On y a lu une déclaratio­n d’il y a quarante ans de l’un des chefs de l’insurrecti­on, Marek Edelman. Il y expliquait pourquoi il refusait de participer aux commémorat­ions officielle­s qui, selon lui, faussaient l’histoire.

Une Varsovienn­e de 82 ans, Stanislawa Scibor, qui se souvient encore de s’être cachée dans une cave avec des enfants juifs, a expliqué son adhésion à cet appel par le caractère protocolai­re de l’hommage institutio­nnel.

Dans l’après-midi, la fondation Shalom devait inaugurer «l’arbre des larmes», un saule pleureur dont les feuilles sont censées symboliser les larmes des mères juives qui avaient dû se séparer de leurs enfants pour les sauver à l’heure de la Shoah.

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