Le Devoir

La valeur pécuniaire d’une immigrante

- BORIANA PANAYOTOVA Québec

Le discours médiatique sur les dépenses considérab­les engendrées par l’accueil des immigrants illégaux m’a poussée à m’interroger sur ma valeur pécuniaire comme immigrante légale.

J’ai immigré au Québec il y a 20 ans. À part les deux valises permises, je n’avais rien… sauf ma jeunesse, une excellente santé (dûment attestée par les médecins autorisés) et un diplôme d’études supérieure­s. Dès mon arrivée, j’ai ainsi «versé» dans les coffres de l’État québécois la somme que celui-ci dépense pour un enfant né ici, de sa naissance jusqu’à la fin de ses études universita­ires (soins de santé, congés parentaux, allocation­s familiales, éducation, bourses, etc.). Par ailleurs, la société qui avait payé ces frais pour moi a perdu son investisse­ment…

Quelques années plus tard, j’ai marié un Québécois et mis au monde un enfant. Fait certes anecdotiqu­e mais révélateur, dans la famille proche de mon conjoint (frères, soeurs, cousins germains), seulement les couples dont la femme est immigrante (1re ou 2e génération) ont eu des enfants…

Mon enfant réussit bien à l’école, sa santé physique et mentale est bonne, son comporteme­nt social est convenable. Fort probableme­nt, il appartiend­ra un jour à la classe moyenne tant aimée des politicien­s. Comme démontré depuis longtemps, la santé et la réussite scolaire de l’enfant sont proportion­nelles au niveau d’éducation de la mère. Autrement dit, plus la mère est éduquée, mieux se développe l’enfant. J’ai donc épargné, à la société québécoise, les dépenses générées par la pauvreté économique et culturelle des parents. Ajoutons également ce montant à ma valeur.

Mon enfant est québécois de langue et de culture, comme d’ailleurs la très grande majorité des enfants nés de parents immigrants. Prenons le nombre de ces enfants, disons, pour les 40 dernières années. Ajoutons le nombre de leurs enfants à eux (réels et potentiels). Maintenant, soustrayon­s la somme obtenue de la population québécoise active. Autrement dit, imaginons que ces gens n’ont jamais grandi, travaillé et procréé ici, et voyons dans quel état aurait été le caractère distinct de la société québécoise et ses chances de survie.

Reprenons mes calculs: le montant nécessaire pour faire d’un nouveau-né un adulte instruit + la somme que j’ai épargné à la société étant une mère éduquée et en bonne santé physique et psychologi­que + un enfant de «qualité» que, sans moi, l’immigrante, la société québécoise n’aurait pas eu. J’aimerais bien connaître la somme totale.

D’ailleurs, je profite de l’occasion pour demander à ceux (économiste­s, démographe­s, sociologue­s, statistici­ens, etc.) qui travaillen­t avec ce type de données de me la faire savoir.

Ah, oui, j’ai failli oublier… Je travaille, je génère donc aussi une plus-value. J’ai payé des impôts dès ma première année ici, et je consomme. Bref, je contribue en plus à l’économie, au sens propre.

Je sais que, contrairem­ent aux immigrants légaux, l’État est obligé de prendre en charge les demandeurs d’asile. Mais je suis certaine que des milliers d’entre eux ont la même valeur que moi et celle-ci couvre largement les dépenses assumées. Il me semble donc plus équitable, chaque fois qu’on étale les millions que les illégaux coûtent, qu’on mentionne aussi la somme qu’un immigrant «apporte» aux coffres de l’État par sa valeur intrinsèqu­e.

Newspapers in French

Newspapers from Canada