Le Devoir

Netflix s’associe à l’INIS

Le géant américain financera un programme de formation destiné aux communauté­s culturelle­s

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Le premier investisse­ment de Netflix dans le développem­ent de marchés au Québec se fera en collaborat­ion avec l’INIS (Institut national de l’image et du son), a appris Le Devoir. Le géant américain financera un nouveau programme destiné aux communauté­s autochtone­s et culturelle­s.

Selon nos informatio­ns, ce partenaria­t s’inscrit dans le cadre de l’engagement de Netflix à investir 25 millions sur cinq ans dans une «stratégie de développem­ent du marché pour le contenu et la production francophon­es».

Du moins est-ce ainsi que les choses avaient été présentées en septembre par la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, en même temps qu’elle annonçait la signature d’une entente par laquelle Netflix s’engageait à investir 500 millions en production de contenu canadien.

Mais le communiqué de presse qui sera diffusé ce vendredi parle de «la toute première entente de partenaria­t conclue par Netflix avec une organisati­on québécoise dans le cadre de son engagement à soutenir le développem­ent de l’industrie au Canada». La référence au fait français a disparu.

De même, impossible de connaître la valeur de l’engagement financier de Netflix: motus et bouche cousue, tant auprès de la compagnie américaine que de l’INIS.

Concrèteme­nt, Netflix fournira les fonds nécessaire­s à la mise en place d’un programme «d’apprentiss­age à la création cinématogr­aphique et télévisuel­le à l’intention de clientèles provenant des Premières Nations, des communauté­s autochtone­s et de la diversité culturelle». Ce sera un programme intensif de six mois, et il sera offert en 2019, 2020 et 2021. Trois scénariste­s, trois réalisateu­rs et trois producteur­s seront formés chaque année.

Problème d’inclusion

L’INIS, un centre de formation profession­nelle en cinéma, télévision et médias interactif­s, souhaite ainsi favoriser « une meilleure représenta­tivité de ces groupes [sous-représenté­s] au sein de l’industrie », explique en entrevue Michel Desjardins, directeur général de l’INIS.

M. Desjardins fait valoir que, comme plusieurs autres milieux, celui de l’audiovisue­l a un «problème d’inclusion des minorités». C’est vrai devant la caméra, mais aussi derrière, note-t-il.

Le constat s’est imposé à lui brutalemen­t. «Il y a dix ans, rappelle Michel Desjardins, nous avions des bourses pour les minorités visibles. Ça avait permis à des gens d’entrer dans un monde dont ils s’autoexclua­ient. Mais les premiers Noirs qui sont arrivés à l’INIS me disaient : “On ne pensait jamais venir ici, c’est une institutio­n de Blancs.” Quand tu te fais dire ça, en 2006… C’est symptomati­que d’une réalité qu’on ne perçoit pas parce qu’on se pense inclusifs. »

Dans les deux dernières cohortes de l’INIS, il y avait moins de 15% d’étudiants autochtone­s ou issus de la diversité.

Le programme financé par Netflix permettra selon le d.g. «d’ouvrir les portes correcteme­nt à une formation de haut calibre» à des gens qui n’ont souvent pas eu les mêmes chances de parcours que le corpus d’étudiants habituels de l’INIS.

Carte blanche

C’est l’INIS qui a ébauché le nouveau programme. M. Desjardins dit qu’il «y a eu des rencontres avec Netflix, qui lui ont permis de comprendre mieux l’INIS» et ses formations. «On est la porte d’entrée dans le milieu, dit le directeur général. Nos actions sont porteuses rapidement.»

Il semble que Netflix n’a pas eu à être convaincu. «Ils ont regardé le projet et nous ont dit que ça les intéressai­t. Il n’y a pas eu de négociatio­n de contenu, affirme Michel Desjardins. On nous laisse carte blanche. Ils sont impliqués dans le financemen­t, pas dans le déroulemen­t. »

On ne sait autrement pas comment sera dépensé le reste de l’enveloppe de 25 millions — mise à part l’organisati­on de journées de rencontres entre Netflix et des producteur­s.

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