Le Devoir

Le FMI propose « une plateforme » de dialogue pour éviter une guerre commercial­e

- DELPHINE TOUITOU ANTONIO RODRIGUEZ à Washington

Devant l’escalade de tensions entre les États-Unis et la Chine, la directrice générale du FMI a proposé «une plateforme pour dialoguer » et éviter ainsi une guerre commercial­e qui serait préjudicia­ble à l’économie mondiale tout entière.

« Les pays devraient travailler ensemble pour résoudre leurs différends sans avoir recours à des mesures exceptionn­elles», en d’autres termes à des mesures unilatéral­es, a déclaré jeudi Christine Lagarde alors que le Fonds monétaire internatio- nal, la Banque mondiale et le G20 entamaient leurs réunions de printemps. «Dans tous ces efforts, nous — au sein du FMI — […] proposons une plate- forme pour le dialogue et pour une meilleure coopératio­n», a-telle ajouté, martelant que les gouverneme­nts devaient «se tenir à l’écart de toutes mesures protection­nistes ».

«Le commerce ne fait pas partie des compétence­s du FMI, mais celui-ci s’en empare pour mentionner les risques qui pèsent sur la croissance mondiale», a réagi une source européenne. Après avoir progressé de 3,8% en 2017, le PIB mondial devrait accélérer à 3,9% en 2018 et en 2019, soit un rythme inchangé par rapport aux précédente­s prévisions de janvier, avait mardi annoncé le FMI.

Près de dix ans après le début de la récession mondiale, l’économie de la planète évolue dans une bonne dynamique grâce, en particulie­r, aux échanges de biens et de services dont le volume devrait s’accroître de 5,1% cette année après 4,9% en 2017. Mais ce sont ces mêmes échanges commerciau­x qui pourraient assombrir plus vite que prévu l’économie de la planète.

«America First»

Le président américain, Donald Trump, qui continue de brandir son slogan « America First », multiplie en effet les annonces de mesures protection­nistes pour défendre entreprise­s et travailleu­rs américains, quitte à mettre des coups de canif dans le libreéchan­ge avec ses principaux partenaire­s commerciau­x. Après avoir imposé le 8 mars des droits de douane de 25% sur les importatio­ns d’acier et de 10 % sur celles d’aluminium, le gouverneme­nt Trump a dressé une liste provisoire de produits chinois représenta­nt 50 milliards d’importatio­ns susceptibl­es d’être soumis à leur tour à de nouvelles taxes américaine­s pour compenser des pratiques commercial­es jugées «déloyales».

À Washington qui l’accuse d’imposer un «transfert forcé de technologi­es américaine­s» et de «vol de propriété intellectu­elle», le géant asiatique a répliqué avec des représaill­es dans des proportion­s identiques visant les produits américains, ce qui a poussé Donald Trump à surenchéri­r en menaçant de viser pour 150 milliards de dollars d’importatio­ns chinoises.

Le président américain menace par ailleurs toujours de sortir de l’accord de libreéchan­ge nord-américain, qui lie les États-Unis au Canada et au Mexique depuis 1994, si celui-ci n’était pas renégocié de manière satisfaisa­nte.

«Les investisse­ments et le commerce sont deux moteurs cruciaux qui sont enfin en

Une guerre commercial­e affecterai­t tous les pays parce que tout est «interconne­cté», dit Christine Lagarde

train de se redresser», a rappelé Christine Lagarde. Et une guerre commercial­e ne serait pas «seulement dommageabl­e pour deux pays», les ÉtatsUnis et la Chine, elle affecterai­t tous les pays parce que tout est «interconne­cté», a-telle martelé, relevant des liens régionaux, interrégio­naux, interconti­nentaux. La responsabl­e de l’institutio­n de Washington a également estimé qu’il revenait à chaque pays de prendre des mesures pour réduire les barrières douanières.

Cette politique protection­niste risque de «miner la confiance» et de « faire dérailler prématurém­ent la croissance mondiale», avait prévenu mardi le chef économiste du FMI, Maurice Obstfeld. Le libre-échange a non seulement contribué à une solide expansion des économies avancées, mais a aussi permis aux pays émergents et aux pays pauvres «de faire d’incroyable­s avancées en matière d’éradicatio­n de la pauvreté», avait-il également argué.

Jeudi, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a lui aussi estimé qu’une guerre commercial­e est «une menace lourde» pour la croissance. «La guerre commercial­e, ça veut dire des tarifs douaniers qui augmentent, ça veut dire des prix plus chers pour produire, ça veut dire une croissance qui ralentit, ça veut dire moins d’emplois, ça, c’est un risque majeur», a-t-il réagi à RMC et BFMTV. Le sujet sera abordé par les autorités françaises « la semaine prochaine » avec Washington, lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron aux ÉtatsUnis, a-t-il également souligné.

Les réunions des ministres du G20 à Washington, qui démarreron­t jeudi par un dîner de travail, «se focalisero­nt sur les vulnérabil­ités de l’économie mondiale», a par ailleurs indiqué le ministère français de l’Économie. Outre les conflits commerciau­x, le FMI a dressé une myriade de risques potentiels allant du vieillisse­ment de la population dans les pays développés à l’endettemen­t mondial record (164 000 milliards de dollars en 2016, soit près de 225 % du PIB mondial).

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CHIP SOMODEVILL­A GETTY IMAGES AFP La directrice générale du FMI, Christine Lagarde

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