Vivre dans tout petit
La création du Mouvement québécois des mini-maisons (MQMM), en janvier dernier, marque une nouvelle façon d’aborder l’habitat. Le groupe a notamment pour mandat la promotion du mode de vie dans ces édifices à taille réduite et l’adoption de réglementations provinciales.
Réunies à Sherbrooke le 27 janvier 2018, plusieurs personnes d’horizons différents ont officiellement lancé le Mouvement québécois des mini-maisons (MQMM). «Nous étions plusieurs à travailler chacun de notre côté, à essayer de faire bouger les choses, mais comme cela n’avançait pas assez à notre goût, nous avons décidé de faire front commun, pour peser avec plus de poids», explique Josée Bilodeau, cofondatrice du mouvement et présidente d’Ilo mini-maison. À la table étaient entre autres présents Martin Saindon, ancien maire de Dixville, instigateur du projet de mini-maisons de Dixville, et Ursule Thériault, ancienne mairesse de L’Isle-Verte, à l’origine du premier projet d’écoquartier villageois au Bas-Saint-Laurent. «Nous allons mettre de l’intelligence dans l’habitation au Québec», estime quant à lui Benoît Tremblay, nommé président du MQMM et directeur général de Vivre en mini.
Flou juridique
Pour les mini-maisons, dont les superficies oscillent entre 9 m2 et 55 m2 (100 pi2 et 600 pi2) selon le MQMM, le problème majeur est qu’elles se trouvent actuellement dans un certain flou juridique. «Le nerf de la guerre est la réglementation, qui n’est tout simplement pas faite pour ce nouveau format d’habitation», lance M. Tremblay. D’une part, le Code national du bâtiment du Québec ne permet pas la construction de résidence de moins de 65m2 (700 pi2) et, d’autre part, certaines normes sont difficiles à respecter pour ces habitations, comme le nombre minimal de mètres de façade sur rue, la hauteur des mezzanines ou encore la présence d’une échelle pour se rendre dans une chambre. «Les mini-maisons se retrouvent dans une zone grise, un no man’s land », avance le président du Mouvement. Le MQMM milite donc pour l’adoption d’une réglementation provinciale, puisque, actuellement, pour construire une mini-maison, chaque projet nécessite l’obtention préalable d’une dérogation. «Une réglementation faciliterait beaucoup le processus», indique Mme Bilodeau.
Plusieurs autres règles et normes, notamment concertant les matériaux et les façons de faire déterminées par le Code
national du bâtiment du Canada (CNBC), la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) ainsi que la Commission de la construction du Québec (CCQ) limitent aussi la conception de ces habitations, peut-on lire dans un rapport d’Arpent sur le mouvement. De plus, lorsque la mini-maison est sur roues, elle fait souvent face à des problèmes de zonage et il est difficile de la faire reconnaître comme résidence principale ou d’obtenir des prêts hypothécaires. «Nous allons aussi interpeller le ministère des Transports, car aujourd’hui, les mini-maisons sur roues sont considérées comme des véhicules de camping», développe M. Tremblay.
Petit coin de paradis
«Au Canada, nous ne sommes pas habitués à avoir des besoins de petits espaces, le mouvement des mini-maisons vient plutôt d’une idéologie, d’une conscientisation de la population, des personnes qui se disent «on va vivre selon nos besoins et pas seulement selon nos moyens»», explique M. Tremblay. Le MQMM ne fait pas de distinction entre micro-maison (environ 300 pieds carrés) et mini-maison (entre 28 m2 et 55m2/300 pi2 et 600 pi2), et si elles sont sur fondation ou sur roues.
En outre, ces habitations taille réduite seraient plus écologiques. «La mini-maison est écologique à tout point de vue: par sa dimension, mais aussi parce que sa construction demande moins des matériaux et elle coûte peu en chauffage et en entretien toute l’année», assure Mme Bilodeau. Une idée partagée par M. Tremblay, qui constate aussi un tournant dans le bâtiment résidentiel, notamment en Europe, qui est de faire de la bonne qualité durable, avec des matériaux simples. «Au Canada, nous sommes plus axés sur la façon de faire américaine, avoir de gros bâtiments, quelque chose qui paraît bien, mais qui n’est pas nécessairement durable », explique-t-il. En plus d’être écologique, la mini-maison est économique et elle pourrait permettre à certaines personnes d’accéder à la propriété.
Selon les deux promoteurs, les jeunes professionnels sont aussi intéressés par le concept que les seniors ou les familles. « Les gens veulent de moins en moins de grandes maisons à entretenir, ils veulent avoir un pied à terre, mais aussi pouvoir voyager, faire du sport», raconte-t-elle. Le mode de vie plus simple et minimaliste qu’offrent ces habitations plaît beaucoup. «C’est un type de bâtiment qui incarne la façon de vivre et la façon d’être », renchérit M. Tremblay.
Josée Bilodeau préfère d’ailleurs parler de «condo sans les contraintes», puisque certaines de ses mini-maisons sont plus grandes que des appartements du centre-ville. «D’ailleurs, nous n’avons rien inventé; dans les années 1940 ou 1950, les gens avaient de petites maisons et beaucoup d’enfants, puis nous avons eu de grandes maisons, mais avec moins d’enfants», relate-t-elle. Finalement, les minimaisons viennent rassembler ces deux extrêmes, mais sans compromis, selon elle.
Balbutiements
La demande semble être au rendez-vous. «Nous avons énormément de clients qui attendent dans nos carnets de commandes; nous, on veut débloquer, défaire les noeuds pour aller de l’avant», commente Josée Bilodeau. De son côté, Benoît Tremblay assure que le gouvernement commence à s’intéresser au courant. Par ailleurs, pour le MQMM, cela pourrait aussi être l’occasion de positionner le Québec comme avant-gardisme sur la scène internationale des mini-maisons.
Actuellement, même s’ils sont peu nombreux, plusieurs projets de mini-maisons sont en cours ou existent déjà. À l’instar du Petit Quartier à Sherbrooke, un projet de coopérative de propriétaires de 75 mini-maisons ou encore à Saint-Nazaire au Lac-Saint-Jean, qui abrite le premier écoquartier de micro-maisons sur roues au Québec.