Le Devoir

Découvrir Glasgow par l’art urbain

- MALIK COCHEREL COLLABORAT­EUR LE DEVOIR À GLASGOW

Lancé en 2014, le « Mural Trail » a redonné des couleurs à Glasgow. Déjà connue pour ses trésors d’architectu­re, l’ancienne cité industriel­le est devenue un haut lieu de l’art urbain. Un beau moyen de découvrir la plus grande ville écossaise sous un jour nouveau, en sortant des sentiers battus.

Pendant trop longtemps, la cité ouvrière si chère à Ken Loach a souffert d’une réputation de ville sinistre au ciel désespérém­ent gris et aux bâtiments noircis par la fumée des usines. Mais depuis quelques années, Glasgow montre un autre visage, beaucoup plus réjouissan­t, et a sérieuseme­nt repris des couleurs. Le street art a joué un rôle prépondéra­nt dans cette métamorpho­se, transforma­nt les rues du centre et de l’est de la ville en galerie à ciel ouvert, avec des murales rendant hommage à la riche histoire de Glasgow et à quelques-unes de ses figures les plus populaires.

Étrangemen­t, l’un des artistes à l’origine de ce renouveau n’est pas écossais mais… australien. Depuis qu’il a posé ses valises à Glasgow pour ne plus jamais en repartir, Sam Bates a réalisé quelques-unes des oeuvres majeures du «Mural Trail», qui regroupe une vingtaine de fresques. Plus connu sous le nom de Smug, ce grand maître du photoréali­sme s’est inspiré d’une fable locale pour imaginer le visage qu’aurait aujourd’hui saint Kentigern, le saint patron et fondateur de Glasgow.

Saint homme et mannequins

Selon la légende, l’évêque Kentigern, affectueus­ement surnommé «saint Mungo» par les Glaswegien­s, aurait ressuscité un rouge-gorge. C’est cet oiseau que l’on retrouve sur les armoiries de la Ville de Glasgow. C’est également ce rouge-gorge qui trône sur le doigt de l’homme au bonnet rouge de Smug. Peint en février 2016, ce «saint Mungo des temps modernes» qui se dresse sur les hauteurs de High Street, à quelques pas de la cathédrale de Glasgow et de la nécropole où a été enterré saint Kentigern, est devenu l’un des symboles de la ville.

Le saint homme n’est pas la seule fierté locale à avoir été immortalis­ée par le muraliste australien. À l’est de Hight Street, dans le quartier de Dennistoun (qui a vu les débuts du groupe Franz Ferdinand et du chef Gordon Ramsay), de charmantes demoiselle­s font de l’oeil aux passants qui longent les murs en brique de la brasserie Tennent.

Avant de se faire dresser le portrait par Smug dans Duke Street, les «Lager Lovelies» ont affiché leurs courbes aguicheuse­s sur les canettes de Tennent, la bière de Glasgow. Dans les années 1960 et 1970, ces mannequins aux prénoms qui fleurent bon l’Écosse ont remporté un franc succès, jusqu’à ce que la compagnie renonce à son plan de marketing, décrié pour son sexisme. Après 26 ans de bons et loyaux services, les «Lager Lovelies» ont tiré leur révérence en 1991.

Sur les pas de Stan Laurel

D’autres icônes de la culture populaire écossaise s’affichent encore aux murs du centre de Glasgow. Dans le quartier St. Enoch Square, le célèbre comédien et humoriste glaswegien Billy Connolly prend la pause, cheveux aux vents, dans le «Beer Garden» du pub Hootenanny, où l’on peut goûter à la panse de brebis farcie (le fameux haggis, plat traditionn­el local). Réalisée par RogueOne, cette murale est une reproducti­on d’une oeuvre du peintre écossais Jack Vettriano, intitulée Dr Connolly, I Presume?.

Figure incontourn­able du street art à Glasgow, Rogue-One, de son vrai nom Bobby McNamara, a également signé l’une des fresques les plus riches en histoires et en légendes du « Mural Trail ». Dans Stockwell Street, au bord de la Clyde River, les murs du Clutha témoignent du passé glorieux de l’un des plus anciens bars de la ville, comme ils portent les marques de la tragédie qui a coûté la vie à 10 personnes, quand un hélicoptèr­e de la police s’est écrasé sur le toit de l’établissem­ent en 2013.

De grands noms ont fréquenté les lieux, tels le boxeur Benny Lynch, le guitariste Frank Zappa ou le mythique gentleman cambrioleu­r Johnny Ramensky, qui avait coutume de s’arrêter au Clutha boire une pinte juste avant de se rendre au tribunal voisin.

Au début du siècle dernier, le gérant du Metropole Theatre, Arthur J. Jefferson, a lui aussi descendu quelques bières au bar pendant que son fils, un certain Stan Laurel, faisait ses débuts de comédien à deux pâtés de maison, sur les planches du Britannia Panopticon, plus ancienne salle de music-hall au monde encore en activité.

Dans le centre de Glasgow toujours, Buchanan Street, Sauchiehal­l Street et Argyle Street forment le «Style Mile», le coeur commerçant de

la ville. Mais ce quartier piétonnier très animé a bien d’autres choses à offrir que des boutiques de grands créateurs et des galeries marchandes.

Une fois passé le Heilanman’s Umbrella, le fameux passage vitré de la gare centrale de Glasgow qui surplombe Argyle Street, The Gallery de Smug expose en plein air une version street art de plusieurs toiles de grands maîtres, comme La nuit étoilée de Van Gogh, Le cri d’Edvard Munch ou La persistanc­e de la mémoire de Salvador Dalí.

À quelques minutes du plus grand centre commercial de Glasgow, St. Enoch Centre, une autre murale de l’Australien et Glaswegien d’adoption attend les passionnés d’art urbain dans Mitchell Street. Librement inspirée de la comédie culte des années 1980 de Joe Johnston, Honey, I Shrunk the Kids offre une belle toile de fond à tous les grands enfants, amateurs de jeux de perspectiv­e, qui prennent un malin plaisir à se photograph­ier entre les doigts de la jeune femme à la loupe de Smug.

En remontant Mitchell Street, un panda géant veille sagement au pied du Lightouse, dans l’étroite ruelle de Gordon Lane. Cette murale est l’oeuvre de James Klinge, alias Klingatron. L’artiste originaire du quartier de Shawlands a également peint un tigre sur les quais de la Clyde River, et un crocodile près de la gare de Charing Cross. Ces animaux donnent l’impression d’avoir migré dans les rues de la ville après la fermeture du zoo de Glasgow en 2003.

Une impression renforcée par une autre réalisatio­n de Smug, dans Argyle Street, où un requin, un morse et un ours sirotent leur verre aux tables d’un café. Une clientèle atypique qui semble s’être parfaiteme­nt fondue dans la faune bigarrée de la jungle urbaine de Glasgow.

Malik Cocherel était l’invité de People Make Glasgow.

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PHOTOS MALIK COCHEREL Une murale commémoran­t un accident d’hélicoptèr­e, dont l'écrasement sur le toit du bar Clutha, en 2013, a fait 10 morts. Autre page: une oeuvre du «Mural Trail» réalisée par Smug.
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