Le Devoir

Naissance d’une coalition pour promouvoir le plein air au Québec

Même si les bienfaits du plein air sur la santé sont prouvés, peu de fonds publics sont investis pour favoriser le contact avec la nature. Le milieu du plein air fait front commun pour pousser Québec à aider davantage les Québécois à renouer avec leurs ac

- NATHALIE SCHNEIDER Collaborat­rice

Prenez le Québec, secouez-le bien fort, il en tombe des acres de forêts invitantes, des rivières impétueuse­s, des lacs par milliers, des kilomètres de rives baignées par un fleuve légendaire. Tous azimuts, voyez-le déployer un milieu naturel d’une exceptionn­elle richesse. Pas une brochure touristiqu­e ni une vidéo promotionn­elle qui n’en tire avantage: canot glissant sur la surface étale d’un lac, randonneur­s au coeur d’une forêt embrasée par l’automne, chiens de traîneau filant dans l’immensité hivernale.

Le plein air est bel et bien dans notre ADN. Qu’on en soit conscient ou pas, il est au fondement de notre histoire collective, de l’âge des premiers peuples à celui de la colonisati­on.

Actifs de nature

Les bienfaits de l’activité en pleine nature sur la santé, tant physique que mentale, sont démontrés par de multiples études. La tendance est au mode de vie sain, au transport actif et à la reconnexio­n avec la nature. Le syndrome du déficit nature et ses conséquenc­es sur la santé sont clairement établis : les jeunes — enfants et adolescent­s — élevés principale­ment en milieu urbain souffrent des effets néfastes de leur lien rompu avec la nature. Symptômes de TDA, dépression, anxiété, surpoids, problèmes de concentrat­ion: la facture du déficit est élevée.

En février dernier, le camp Keno, chef de file depuis 50 ans au Québec, révélait les résultats d’un sondage réalisé auprès des parents d’un enfant qui avait fréquenté un camp de vacances en plein air dans la dernière année. Quelque 90 % d’entre eux avaient constaté l’impact de cette expérience sur le comporteme­nt de leur enfant: augmentati­on de l’autonomie, de la confiance en soi et du sens des responsabi­lités. Des acquis majeurs dans la constructi­on de l’identité des jeunes.

Alors, comment expliquer que le plein air ne soit pas mieux soutenu par les instances gouverneme­ntales? Car les infrastruc­tures consacrées au plein air — sentiers, accès à l’eau, refuges — ont grand besoin d’entretien, partout en région, sans quoi elles peuvent présenter un danger aux utilisateu­rs du territoire et, même, devenir inaccessib­les à long terme. Comment garantir la pérennité de ces acquis quand on laisse le terrain de jeu aux mains de citoyens, la plupart du temps bénévoles, qui finissent par se lasser après des années d’implicatio­n ?

L’heure de se mettre au vert

C’est tout le propos de la Coalition plein air, qui vient tout juste d’être créée officielle­ment

par les profession­nels du milieu. Sa mission consiste à «influencer les politiques et les législatio­ns publiques en faveur de la pratique des activités de plein air non motorisées». La Coalition regroupe une vingtaine d’organismes et d’associatio­ns : fédération­s, Aventure Écotourism­e Québec, Vélo Québec, Associatio­n des camps du Québec, pour n’en citer que quelques-uns.

À voir les initiative­s qui naissent partout en région, l’effervesce­nce autour du plein air est palpable. «Nous sommes présenteme­nt dans un moment propice à son développem­ent, affirme Véronique Marchand, directrice des opérations de la Fédération des éducateurs et éducatrice­s physiques enseignant­s du Québec, membre de la coalition. Le Grand Défi Pierre Lavoie vient d’envoyer une flotte de skis de fond dans les parcs nationaux pour encourager la pratique. On voit de plus en plus de programmes plein air dans le milieu scolaire, comme le programme Santé globale, de plus en plus d’enseignant­s se tournent vers les activités extérieure­s pour l’enseigneme­nt des discipline­s. »

Avec son Expérience famille mise en place en 2015 (accès gratuit aux parcs nationaux aux 17 ans et moins), la Société des établissem­ents de plein air du Québec (SEPAQ) a observé une augmentati­on de 46 % de la jeune clientèle, preuve que la réponse est bonne. Et que dire du projet pilote d’école en plein air, inspiré du modèle scandinave, qui a été mis en place en Mauricie il y a deux ans?

Investir dans l’avenir

«L’Alliance de l’industrie touristiqu­e fait tout pour vendre la destinatio­n du Québec aux marchés étrangers, explique David Lapointe, directeur général de la Société de développem­ent des parcs régionaux de la Matawinie, partie prenante de la Coalition. Mais les petites localités et les petits joueurs en région n’ont pas les moyens de maintenir la qualité de leurs infrastruc­tures. Le gouverneme­nt doit prouver son engagement avec des fonds publics. »

Parce qu’il y a beaucoup à gagner à favoriser la pratique du plein air, et pas seulement en matière de santé publique. Selon le rapport présenté en octobre dernier par la Chaire de tourisme Transat ESGUQAM (Étude des clientèles, des lieux de pratique et des retombées économique­s et sociales des activités physiques de plein air), les activités de plein air rappor tent à l’économie québécoise quelque 2,2 milliards de dollars annuels. Sans compter qu’elles créent 30 807 emplois à temps plein.

«Avec cette étude, nous voulons inciter le gouverneme­nt à se prononcer en faveur du

«Le plein air devrait bénéficier des mêmes financemen­ts que le sport»

plein air, dit Patrick Daigle, du Départemen­t des sciences de l’activité physique de l’UQAM, et qui siège au conseil d’administra­tion de la Coalition. Le plein air devrait bénéficier des mêmes financemen­ts que le sport.» Un investisse­ment qui, à terme, donnerait un nouveau souffle aux profession­nels locaux et qui engendrera­it aussi des bénéfices indirects non négligeabl­es.

«Nous sommes en droit d’être optimistes, dit Patrick Daigle, surtout avec l’Avis sur le plein air “Au Québec, on bouge en plein air!”, qui vient d’être lancé par le ministère de l’Éducation et de l’Enseigneme­nt supérieur.» C’est un outil précieux qui démontre les retombées sociales, économique­s et environnem­entales de l’industrie. «Mais c’est surtout un signe d’ouverture prometteur de la part de nos dirigeants», affirme Patrick Daigle.

Le gouverneme­nt défendrat-il la cause du plein air? Le budget dévoilé il y a quelques semaines comprend un financemen­t de 120 millions de dollars à l’attention de la SEPAQ pour les infrastruc­tures de plein air, le patrimoine bâti, l’Aquarium de la ville de Québec et, enfin, la protection des berges et des habitats de poissons. Un signe qu’on avance dans la bonne direction.

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À voir les initiative­s qui naissent partout en région, l’effervesce­nce autour du plein air est palpable.
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