Actualités › Politique fédérale. Retour sur le congrès libéral.
Le chef du Parti libéral du Canada (PLC) a laissé tomber les gants samedi après-midi en donnant un avant-goût des attaques qu’il réserve à son adversaire Andrew Scheer pour la prochaine campagne électorale. Selon Justin Trudeau, le chef conservateur n’est qu’une version souriante de Stephen Harper qui ramènera les mêmes politiques réactionnaires que défendait l’ancien premier ministre.
«L’actuel chef de l’opposition s’est présenté aux Canadiens il y a un an comme un Stephen Harper avec le sourire», a lancé M. Trudeau alors qu’il s’adressait aux quelque 3000 militants réunis à Halifax pour le congrès bisannuel du PLC. « Comme si le plus gros problème avec le précédent gouvernement était l’expression faciale de M. Harper ! »
M. Trudeau a rappelé l’éprouvante crise économique qui a frappé le Canada pendant le mandat de M. Harper ou l’incapacité, selon ses dires, de ce dernier de faire construire un nouvel oléoduc et de s’attaquer aux changements climatiques. Il a soutenu que M. Scheer veut «revenir en arrière» en éliminant la future taxe sur le carbone ou encore «en assouplissant davantage le contrôle des armes à feu ».
«S’il y a une chose — et juste une chose — que nous avons apprise au sujet du Parti conservateur sous la direction d’Andrew Scheer, c’est que c’est peut-être le sourire d’Andrew Scheer, mais c’est toujours le parti de Stephen Harper.» Selon M. Trudeau, les conservateurs n’ont pas voulu apprendre leur leçon en 2015. «Mes amis, voyons si une leçon enseignée deux fois pourra être oubliée.»
M. Trudeau s’est néanmoins encore réclamé de ses «voies ensoleillées» et de son refus de «descendre dans les caniveaux». «La politique positive signifie qu’on se bat pour nos idées, pas qu’on diabolise nos adversaires. »
En point de presse, il a assuré qu’il n’y avait aucune contradiction entre les deux. «Malheureusement, on a vu et on voit à travers le monde que les politiques et l’approche vont ensemble quand on parle de populisme, de nationalisme agressif, de polarisation du discours politique. Et j’ai toujours dit que nous allions être très, très clairs sur nos différences en matière de politiques, mais qu’on n’allait pas faire d’attaques personnelles. »
M. Trudeau a profité de son discours de 28 minutes pour mettre en valeur son bilan gouvernemental. «Il y a des gens qui prétendent que nous sommes une image sans substance», a-t-il souligné en s’empressant de démontrer le contraire. Il a ainsi rappelé l’accueil de 50 000 réfugiés syriens, l’instauration d’une Allocation canadienne pour enfants bonifiée, la légalisation de l’aide médicale à mourir ou encore la réduction des impôts de la classe moyenne et l’augmentation presque équivalente de ceux des contribuables gagnant plus de 200 000 $ par année. « Eux en tout cas, ils me le rappellent tous les jours [que les choses ont changé] », a-t-il dit.
Des débats quasi absents
Le discours de M. Trudeau clôturait un congrès de près de trois jours s’étant déroulé sans embûche, mais sans point d’orgue non plus. Les débats ont été quasi absents. Des 24 heures consacrées aux diverses activités, à peine trois étaient réservées à la prise de parole par les militants. Et encore: il s’agissait des ateliers sur les résolutions et les militants ne pouvaient pas les critiquer, seulement demander des clarifications à leur sujet.
Lors de la plénière pour l’adoption finale des résolutions priorisées, il fallait qu’au moins 50 militants demandent un débat pour qu’elles soient au préalable discutées. Cela n’est pas arrivé. Résultat: les résolutions sur la décriminalisation de toutes les drogues, la légalisation de la prostitution, l’implantation d’un régime pancanadien d’assurance médicaments ou encore l’instauration d’un revenu minimum garanti ont toutes été adoptées à la vitesse de l’éclair. La plénière qui devait durer deux heures s’est terminée après 40 minutes. Il y avait tout au plus 250 militants dans la salle.
«J’aurais peut-être préféré un peu plus de débat», a convenu le député ontarien Nathaniel Erskine-Smith, qui pilotait la résolution sur les drogues. M. Trudeau a réitéré en point de presse que le PLC ne fera pas la promotion de cette idée. Quand les journalistes lui ont demandé de quoi il avait peur, il a répondu d’un ton badin: «des araignées».
Le chef libéral s’est montré beaucoup plus ouvert à la demande des militants de doter le Canada d’un programme universel d’assurance médicaments. « C’est une priorité pour les libéraux», a-t-il reconnu. D’ailleurs, au terme du congrès, les militants ont priorisé 15 résolutions, et celle sur les médicaments est arrivée première. La décriminalisation de toutes les
Ce discours clôturait un congrès s’étant déroulé sans embûche, mais sans point d’orgue non plus
drogues est arrivée en troisième place.
Plusieurs des 15 résolutions ressemblent à celles qu’ont adoptées les néodémocrates lors de leur propre congrès il y a deux mois, que ce soit sur le logement abordable, la santé mentale ou encore les régimes de pension des travailleurs. M. Trudeau l’a reconnu d’emblée. «Je ne cache pas du tout que nous sommes un parti progressiste.»
Le député néodémocrate Guy Caron estime que les électeurs devraient se méfier de ces belles paroles. «J’étais observateur au congrès du Parti libéral de 2012 quand ils ont adopté la politique sur le revenu minimum garanti. Ils l’ont réadoptée en 2014, en 2016 et en 2018, mais lorsque j’ai présenté moi-même une résolution au comité des Finances pour étudier le revenu minimum garanti, ils ont voté contre, alors… »
Chose certaine, il semble que les libéraux sentent la menace sur leur flanc droit uniquement : toutes les attaques du chef pendant son discours ont été réservées aux conservateurs. Justin Trudeau n’a fait aucune allusion au chef du NPD, Jagmeet Singh, et encore moins au Bloc québécois de Martine Ouellet.