Le Devoir

Un retour incomplet

L’image est léchée, le mot juste, mais on attend toujours que la politique étrangère du gouverneme­nt Trudeau se traduise en initiative­s capables de justifier l’obtention d’un siège temporaire au Conseil de sécurité des Nations unies. À la veille du Sommet

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Dès le début de son mandat en 2015, le premier ministre Justin Trudeau avait été propulsé dans un marathon de sommets internatio­naux où son image et son entregent avaient suffi à briser la glace et à imposer l’idée que l’approche canadienne serait différente du gouverneme­nt précédent. Depuis quelque temps, le lustre pâlit. M. Trudeau a lui-même déçu, que ce soit ses interlocut­eurs chinois qui espéraient lancer les négociatio­ns d’un accord de libre-échange lors de son dernier passage ou encore les pays qui, en marge du sommet de l’APEC en novembre, pensaient signer l’accord de principe du Partenaria­t transpacif­ique. En Inde, il a créé un froid avec le gouverneme­nt indien en plus de se ridiculise­r à la face du monde, une image que sa tournée éreintante qui l’a mené la semaine dernière du Pérou à Londres en passant par Paris devait faire oublier.

M. Trudeau clame depuis son élection que «le Canada est de retour» sur la scène internatio­nale. Il défend une vision centrée sur l’égalité, la diversité et l’ouverture, ce qui trouve écho, mais les propositio­ns pour la mettre en oeuvre sont rarement au rendez-vous. Ce fut encore le cas mardi, devant l’Assemblée nationale française, et aux Nations unies, à l’automne, où il n’a rien dit sur les grands enjeux mondiaux ou les réformes onusiennes. Le Canada est pourtant en campagne pour entrer au Conseil de sécurité.

Dans son ouvrage sur la politique étrangère libérale (Un selfie avec Justin Trudeau), le chercheur et ancien conseiller de Stéphane Dion Jocelyn Coulon décrit un premier ministre qui ne maîtrise pas les affaires internatio­nales. Il note aussi qu’«actuelleme­nt, aucune initiative internatio­nale ne porte le sceau du premier ministre». Le bilan qu’il dresse est sévère, mais ce n’est pas pour rien.

Sur le plan commercial et des relations canado-américaine­s, le gouverneme­nt Trudeau fait preuve d’une grande maîtrise et a su manoeuvrer pour atténuer l’impact de l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine. En matière d’environnem­ent, son appui indéfectib­le à l’Accord de Paris sur le climat rassure, même si les cibles canadienne­s sont toujours celles du gouverneme­nt Harper et demeurent hors d’atteinte.

La contributi­on aux opérations de maintien de la paix, qu’on promettait ambitieuse à l’été 2016, n’est plus à la hauteur des attentes. Au Mali, l’été prochain, on n’enverra que six hélicoptèr­es et le personnel nécessaire. En matière d’aide publique au développem­ent (APD), l’approche féministe de Trudeau est bien accueillie, mais les 2 milliards sur cinq ans annoncés dans le dernier budget permettron­t seulement de maintenir le ratio aideRNB (revenu national brut) au niveau actuel, c’est-à-dire inférieur à la moyenne du gouverneme­nt Harper, selon le Conseil canadien pour la coopératio­n internatio­nale.

La candidatur­e canadienne au Conseil de sécurité a été rejetée en 2010 à cause, entre autres choses, de l’attitude du gouverneme­nt Harper face au conflit israélo-palestinie­n et le peu de cas qu’il faisait de l’Afrique. Eh bien, depuis son élection, le gouverneme­nt Trudeau n’a pas beaucoup dévié sur ces deux fronts, selon M. Coulon et plusieurs experts de la politique africaine.

Le premier ministre a le coeur à la bonne place, mais son gouverneme­nt se montre timoré quand vient le temps d’agir dans les dossiers difficiles. Pour jouer le «rôle positif et audacieux» qu’il évoquait à Paris, il devra s’engager et offrir de vraies pistes de solutions.

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MANON CORNELLIER

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