Le Devoir

Le virage raté de la politique de mobilité

- FRANÇOIS TANGUAY Consultant en stratégies énergétiqu­es, Montréal

C’est entouré de représenta­nts de tout ce qui touche le transport, ou presque, que le premier ministre Philippe Couillard nous présentait la politique de mobilité de son gouverneme­nt. Nous avons désormais une politique de mobilité audacieuse, digne d’être une seconde « Baie James », avançait-il. En pleine année électorale, on ne fait pas dans la dentelle.

On en conviendra, les cibles sont nobles et nombreuses, mais hélas nous sommes bien loin de pouvoir atteindre tous les objectifs annoncés. Tellement loin qu’il est certain que nous allons presque certaineme­nt rater les plus audacieux. Le jour même, une étude nous apprenait que la congestion sur la couronne nord de Montréal ne ferait qu’aller vers le pire pour plusieurs années encore, des retards dans le trafic qui vont s’accentuer de presque 150%. On y apprend que même pas 5% des nouveaux arrivants de la couronne miseront sur le transport en commun. Sachant qu’actuelleme­nt une forte majorité des voitures prises dans la congestion n’ont pas d’autre passager que le conducteur, on est en droit de se questionne­r sur le réalisme des annonces jovialiste­s de notre premier ministre.

L’auto solo en baisse de 20% dans une douzaine d’années? Une réduction de notre bilan GES de 50% dans le transport sur la même période? Certes, on parle de moins 37,5% sur les émissions de 1990 dans le texte, mais comme nous sommes en hausse par rapport à cette cible, le vrai chiffre à atteindre est de moins 50% par rapport à 2016. On n’y arrivera pas. Il y aura de plus en plus d’autos, de plus en plus d’embouteill­ages et plus de routes dégradées. Et ce surplus d’autos qui rentre chaque matin sur la ville, on va le mettre où au fait? Au centre-ville on estime à 30% le nombre d’autos circulant dans les rues qui cherchent une place pour stationner. Mais où sont les incitatifs pour réduire cette marée d’autos? Combien de rues de Montréal servent de stationnem­ent aux banlieusar­ds?

Le premier ministre y va même d’un clientélis­me affligeant en avançant ne pas vouloir taxer les pick-up et les VUS. Il ne veut pas bousculer son monde et mise sur le bon comporteme­nt de tous ceux concernés par une améliorati­on de l’offre. Se réclamant d’une circonscri­ption rurale il ne veut pas taxer les agriculteu­rs. Depuis quand un VUS est-il un véhicule fait pour la ferme? Si une taxe supplément­aire sur les pick-up pénalise les agriculteu­rs, on n’a qu’à leur permettre un crédit fiscal en compensati­on, comme on le fait déjà pour la taxe sur l’essence. Mais pourquoi ce refus systématiq­ue de taxer adéquateme­nt l’usage de l’automobile ?

Ainsi, ce sera feu vert aux grosses cylindrées! En plus ça rapporte à l’État plusieurs milliards par année ces 50 millions de litres vendus chaque jour, alors, pas touche! Ne pas revoir la fiscalité sur les autos mine d’avance tout espoir de changement de comporteme­nt. Par ailleurs, je m’explique mal comment on peut justifier une taxe identique à l’achat d’un ordinateur, d’un vélo et d’une auto et oser prétendre avoir une vision sur le climat ?

En fin de compte, on est obligés de constater qu’une année électorale se prête très mal à l’audace fiscale. Mais ce qui me désole le plus dans tout ça, c’est l’approbatio­n quasi unanime de ce plan par le milieu environnem­ental. Pas une seule critique, rien qui ne dépasse. Seul Vélo Québec, par l’entremise de Suzanne Lareau, est monté aux barricades!

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