Des réformes économiques à la chinoise?
La promesse du leader nord-coréen, Kim Jong-un, d’oeuvrer à «la construction économique socialiste» pourrait annoncer des réformes inspirées du modèle chinois, avancent des experts. Mais Pyongyang ne le dira jamais explicitement.
Parallèlement à l’annonce de la fin des essais nucléaires et des tests de missiles intercontinentaux, le dirigeant nord-coréen a déclaré samedi que la « nouvelle ligne stratégique » du Parti des travailleurs de Corée serait «la construction économique socialiste». L’expression est revenue 56 fois dans le compte rendu de l’agence officielle KCNA.
En 2016, l’économie nord-coréenne a connu sa plus forte expansion, selon la banque centrale sud-coréenne. Mais cette tendance pourrait pâtir de l’intensification des sanctions de la communauté internationale.
Depuis l’arrivée fin 2011 de Kim Jong-un au pouvoir, la situation économique de la Corée du Nord semble d’être améliorée. De fait, Pyongyang tolère de plus en plus les initiatives privées et la prolifération de petits entrepreneurs faisant commerce de produits alimentaires ou de biens arrivant de Chine.
Pour Andrei Lankov, du think tank Korea Risk Group, M. Kim a l’intention de mettre en oeuvre «un programme économique à la chinoise». Ce seront «des réformes économiques qui n’en ont pas le nom ».
Le leader nord-coréen n’a qu’à tourner les yeux vers la Chine et le Vietnam s’il souhaite des exemples de partis communistes qui ont embrassé le capitalisme sans hypothéquer le parti unique. Et même en le consolidant puisque la plus grande prospérité a conforté le pouvoir.
Officiellement, M. Kim n’en prend pas le chemin. N’avait-il pas dénoncé lors du Congrès du parti de 2016 — le premier en 36 ans — «le vent immonde de la liberté bourgeoise, de la “réforme” et de “l’ouverture” qui souffle chez notre voisin»?
Dans les faits, le changement est réel. Des gérants d’usines nord-coréennes indiquaient récemment à l’AFP qu’une fois qu’ils avaient rempli les quotas fixés par l’État, ils étaient libres d’acheter et de vendre à des prix
négociés avec les fournisseurs et les clients.
Les entreprises étatiques peuvent également investir d’autres secteurs d’activité par l’entremise de filiales. La compagnie nationale Air Koryo s’est ainsi investie dans les boissons sans alcool et les taxis. Cela a permis à des entrepreneurs de se lancer sous la «protection» des sociétés publiques.
Pour M. Lankov, le Nord va accroître ses investissements dans les infrastructures, autoriser une plus grande autonomie pour les entreprises publiques ou encore permettre aux entrepreneurs de conserver leurs bénéfices.
Kim Jong-un «espère atteindre une croissance économique durable, améliorer le niveau de vie », dit-il.
Difficile cependant de proclamer un virage à 180 degrés.
«Contrairement à son père ou son grandpère, M. Kim n’a aucun attachement sentimental ou idéologique au modèle socialiste », reconnaît M. Lankov.
Mais si Khrouchtchev dénonça Staline, et si Deng Xiaoping dénonça Mao, M. Kim peut difficilement s’affranchir de l’héritage familial, estime-t-il: «On ne peut toucher à l’idéologie parce qu’on ne peut pas dire que son père ou son grand-père se sont trompés. »