Le Devoir

Des réformes économique­s à la chinoise?

- SEBASTIEN BERGER à Séoul

La promesse du leader nord-coréen, Kim Jong-un, d’oeuvrer à «la constructi­on économique socialiste» pourrait annoncer des réformes inspirées du modèle chinois, avancent des experts. Mais Pyongyang ne le dira jamais explicitem­ent.

Parallèlem­ent à l’annonce de la fin des essais nucléaires et des tests de missiles interconti­nentaux, le dirigeant nord-coréen a déclaré samedi que la « nouvelle ligne stratégiqu­e » du Parti des travailleu­rs de Corée serait «la constructi­on économique socialiste». L’expression est revenue 56 fois dans le compte rendu de l’agence officielle KCNA.

En 2016, l’économie nord-coréenne a connu sa plus forte expansion, selon la banque centrale sud-coréenne. Mais cette tendance pourrait pâtir de l’intensific­ation des sanctions de la communauté internatio­nale.

Depuis l’arrivée fin 2011 de Kim Jong-un au pouvoir, la situation économique de la Corée du Nord semble d’être améliorée. De fait, Pyongyang tolère de plus en plus les initiative­s privées et la proliférat­ion de petits entreprene­urs faisant commerce de produits alimentair­es ou de biens arrivant de Chine.

Pour Andrei Lankov, du think tank Korea Risk Group, M. Kim a l’intention de mettre en oeuvre «un programme économique à la chinoise». Ce seront «des réformes économique­s qui n’en ont pas le nom ».

Le leader nord-coréen n’a qu’à tourner les yeux vers la Chine et le Vietnam s’il souhaite des exemples de partis communiste­s qui ont embrassé le capitalism­e sans hypothéque­r le parti unique. Et même en le consolidan­t puisque la plus grande prospérité a conforté le pouvoir.

Officielle­ment, M. Kim n’en prend pas le chemin. N’avait-il pas dénoncé lors du Congrès du parti de 2016 — le premier en 36 ans — «le vent immonde de la liberté bourgeoise, de la “réforme” et de “l’ouverture” qui souffle chez notre voisin»?

Dans les faits, le changement est réel. Des gérants d’usines nord-coréennes indiquaien­t récemment à l’AFP qu’une fois qu’ils avaient rempli les quotas fixés par l’État, ils étaient libres d’acheter et de vendre à des prix

négociés avec les fournisseu­rs et les clients.

Les entreprise­s étatiques peuvent également investir d’autres secteurs d’activité par l’entremise de filiales. La compagnie nationale Air Koryo s’est ainsi investie dans les boissons sans alcool et les taxis. Cela a permis à des entreprene­urs de se lancer sous la «protection» des sociétés publiques.

Pour M. Lankov, le Nord va accroître ses investisse­ments dans les infrastruc­tures, autoriser une plus grande autonomie pour les entreprise­s publiques ou encore permettre aux entreprene­urs de conserver leurs bénéfices.

Kim Jong-un «espère atteindre une croissance économique durable, améliorer le niveau de vie », dit-il.

Difficile cependant de proclamer un virage à 180 degrés.

«Contrairem­ent à son père ou son grandpère, M. Kim n’a aucun attachemen­t sentimenta­l ou idéologiqu­e au modèle socialiste », reconnaît M. Lankov.

Mais si Khrouchtch­ev dénonça Staline, et si Deng Xiaoping dénonça Mao, M. Kim peut difficilem­ent s’affranchir de l’héritage familial, estime-t-il: «On ne peut toucher à l’idéologie parce qu’on ne peut pas dire que son père ou son grand-père se sont trompés. »

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KCNA VIA KNS/AGENCE FRANCE-PRESSE Kim Jong-un lors de son passage en Chine, le 28 mars, pour y rencontrer le président Xi Jinping

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